Je ne vous souhaite pas Joyeux Noël. D’ailleurs Noël est-il Joyeux ? A voir la frénésie discourtoise des consommateurs attardés, j’en doute. A voir l’effervescence irascible qui règne aux abords des caisses de supermarché, j’en doute aussi. A entendre ‘Il est mort le soleil’ dans les rues commerçantes, j’en doute encore plus. Et, quand nous aurons dégosillé nos vieux cantiques, quand nous aurons becqueté nos dindes, quand nous aurons déballé voracement les cadeaux, serons-nous plus heureux ?
Noël est devenu virtuel. Un monde parallèle étranger à toute (notre) réalité. Ce soir, à la rigueur, quelques uns irons bon gré mal gré (parce que parfois on se sent obligé), entendre un conte nostalgique sur la naissance du niard de la crèche, une histoire qu’on oubliera le lendemain. ! Car Noël, c’est la fête. Super ! Pourtant chaque année toujours ce message : ‘Aujourd’hui vous est né un sauveur‘ de l’unique Noël (et qui fait que Noël soit véritablement unique) retenti comme une voix de plus dans le désert. Un message qui semble aujourd’hui anachronique à l’heure des cartes bleues, du chauffage central et des fours micro-ondes et des connexions internet… somme-toute des outils qui paraissent nous sauver de la faim, du froid et de la solitude. Alors cet ‘aujourd’hui vous est né un sauveur‘ çà fait bien rigoler. Du moins çà le devrait car…
Car ce Noël là, ce Noël d’aujourd’hui demeure dans l’Espérance incarnée. Cette espérance qui nous sauve de nos orgueils paranoïaques, de nos illusions d’un bonheur mécanique (entrez votre code SVP). Et notre salut est dans cette dé-maîtrise, cet acte d’impuissance qui fait de nous non des acteurs grandiloquents, essayant de jouer notre rôle de super-héros (au choix : super-maman, super-copain, super-patron, super-catho, super-laïc etc.), mais redevant nous-mêmes, faillibles et défaillant, face à la fragilité d’un enfant. L’Espérance met fin à nos virtualités, en se tenant, fragile, dans cette mangeoire et ne nous demandant rien. Invités simplement au regard, à la rencontre avec Celui qui a délaissé sa toute-puissance pour se faire tout-petit. Il prend part à notre humanité, dans l’humilité d’une famille de Galilée, dans la fragilité d’un enfant, dans la difficulté d’une vie (la sienne, la notre), et jusque dans la mort. Dieu aujourd’hui est parmi nous, non pas solitaire, étranger ou virtuel, mais solidaire, serviteur bien réel, pour changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair (Ez 36,26). Depuis, et aujourd’hui plus encore, notre salut n’est plus dans nos tentatives vaines de nous rendre meilleurs, parfaits, mais notre salut est dans cette rencontre avec celui qui s’invite et change nos vies.
Je ne vous souhaite donc pas Joyeux Noël : tout ce que je vous souhaite c’est d’espérer Noël !
Merci 😉
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