– Donne-moi à boire ! (Jn 4,7)
Il aurait pu quand même demander poliment : ‘Auriez-vous l’obligeance de me donner un peu d’eau, s’il vous plait Madame ?‘ Je me pose des questions sur l’éducation qu’a reçu ce jeune homme de Galilée : j’aurais deux mots à dire à ses parents ! Non mais, pour qui se prend-il ? C’est parce qu’on est fatigué qu’on doit oublier d’être poli.
Mais pas le temps d’être poli. Quand on crie ‘Au secours’ on ne s’embarrasse pas de formules de politesse. Il en va de l’urgence, il en va de la Vie. Aussi cet impératif divin est un appel, un cri désireux de la rencontre improbable : avec une femme, pire une samaritaine, pire encore une ex-épouse qui ne sait que trop bien combien de fois elle fut mariée. Et lui, l’homme, le juif, l’infréquentable devient source d’un dialogue que tous croyaient impossible.
Tout part de l’anodin : d’une histoire d’eau, d’une histoire de cruche, de puits trop profond et de corvées quotidiennes. Et l’eau devient vive et Vie, et la profondeur du puits laisse place à l’adoration du Père, et la cruche de la corvée au profit d’un heureux témoignage et d’autres rencontres. Avant même le parvis des Gentils, il y avait déjà ce puits de la Rencontre.
L’Evangile annoncé n’est ni discours, ni lip-dub, ni flash-mob ou autres m-as-tu-vu, il n’est que simplement rencontre “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive.” Jn 7,37.
J’ai soif ! (Jn 19,28)
Comme en écho à la demande de la Samaritaine, ces paroles de Jésus dans le même évangile raisonnent résonnent sur la croix : ‘J’ai soif !’ (Jn 19,28). Voilà encore une autre histoire d’eau (ou la même !) qui jaillira du Crucifié. Cette soif du Christ, c’est la soif de la rencontre à laquelle désormais chacun est invité au pied de cette croix du Golgotha, rencontre avec Celui qui se laisse contempler en seul et unique Christ , en véritable et unique Fils. ‘Pour que l’Ecriture soit accomplie‘ précise l’évangile du disciple bien-aimé.
De la même manière qu’une biche languit près des eaux des ruisseaux, ainsi ma vie languit après toi, mon Dieu. Ma vie a soif de Dieu, le vivant: Quand viendrais-je et verrais-je le visage de Dieu ? (Ps 42,2-6 )
Comme un cri et un appel à la Rencontre ultime avec le Père, jusque sur la Croix sa soif ne tarit pas. La croix nous rappelle cette soif de Dieu (de Dieu pour l’homme, de l’homme pour Dieu), et cette improbable rencontre sur une simple place de village jusqu’au cœur du drame, improbable rencontre que nous rappelle nos chers catéchumènes. Tout s’accomplit, tout est désormais possible pour qui s’ouvre en vérité à Celui qui se laisse rencontrer : Donne-moi à boire… et je te donnerai de l’eau vive !