Il l’avait descendu de sa croix et déposé là. Mais aujourd’hui, ce matin au soleil levant, le tombeau est vide. L’évangile de Marc nous décrit les femmes tremblantes, bouleversées, et même apeurées (Mc 16,8). Et on les comprend bien ces premières destinataires de ce message : “Vous cherchez, Jésus le crucifié ? Il n’est pas ici, il est ressuscité !” (Mc 16,6). D’ailleurs elles ne trouvent beaucoup de soutien. Les premiers disciples n’ont pas cru d’emblée ce radotage (Lc 24,11) des femmes (Mc 16,11 : Ceux-là entendant qu’il vivait et que [Marie de Magdala] l’avait vu, ne la crurent pas). Même quand il apparait à deux disciples en chemin ils ne les crurent pas non plus (Mc 16,13). D’ailleurs comment y croire ? Je pense aujourd’hui à tous qui vivent des drames qui n’en finissent pas. Suffit-il de leur dire que le Christ a souffert lui-aussi et “a” ressuscité. N’y-a-t-il dans la Résurrection qu’un message d’espoir ? Je pense aujourd’hui à tous ceux qui ont vu la mort d’un être cher, souvent trop tôt. Suffit-il de leur dire que le Christ a vaincu la mort et ouvert la porte de la vie éternelle à leur défunt ? N’y a-t-il dans la Résurrection qu’un message de consolation ? Face aux drames le mot même de ‘Résurrection’ est difficile à saisir. Et pourtant la Résurrection est au cœur de la foi chrétienne. Mais que nous dit-elle ?
“Ressuscité !”… dans notre monde (et y compris le vaste monde des chrétiens), ce mot même ne trouve guère écho. Il se réduit à un évènement passé (qui n’a donc pas de conséquence dans nos vies aujourd’hui), ou bien se résume à un miracle de plus (pour certains le plus grand… mais parmi d’autres), ou encore à un mot qui se confond avec une simple réanimation… (Et j’oubliais la grande fête des chocolats et et œufs). Bref de quoi être dé-contenancé : la résurrection a-t-elle perdue son contenu ?
La Résurrection ne va pas de soi. Et c’est tant mieux ! Tant mieux parce qu’au cœur de cet évènement, le Christ – comme à son habitude – ne s’impose pas. Dieu ne se prouve pas d’ailleurs, il s’éprouve comme on éprouve de l’Amour pour quelqu’un. Dans son dernier volume sur Jésus, Benoit XVI (qui signe Joseph Ratzinger) nous rappelait :
Cependant, pour nous tous, demeure la question que Jude posa à Jésus au Cénacle : “Seigneur, comment se fait-il que tu doives te manifester à nous et non pas au monde ?” (Jn 14,22). Oui, pourquoi ne leur as-tu montré avec une vigueur irréfutable que tu es le Vivant, le Seigneur de la vie et de la mort ? Pourquoi t’es-tu manifesté seulement à un petit groupe de disciples au témoignage desquels maintenant nous devons nous fier ? […] C’est bien le propre du mystère de Dieu d’agir de manière humble. C’est seulement petit à petit qu’il construit dans la grande histoire de l’humanité SON histoire. Il souffre et il meurt et, comme Ressuscité, il ne veut atteindre l’humanité qu’à travers la foi des siens auxquels il se manifeste. Continuellement, il frappe aux portes de nos cœurs et, si nous lui ouvrons, lentement, il nous rend capable de ‘voir’.
Benoît XVI (Joseph Ratzinger), Jésus de Nazareth vol.2 de l’entrée à Jérusalem à la Résurrection, ed. du Rocher, 2011, p.310-311.
Ressuscité, il n’a pas fait que re-vivre. Il vit encore et toujours, et même plus qu’avant sans doute, pleinement Vivant dans le Père. Mais, bien plus, la foi en la Résurrection ne concerne pas seulement cet évènement qui proclame qu’il vit mais surtout qu’Il NOUS fait vivre, aujourd’hui, présent, vivant à nos vies même dans ses fragilités et ses meurtrissures. C’est le saut de la foi et de la Vie dans cette relation à Dieu vivant (un bon vivant pourrait-on dire). La Résurrection est incroyable (difficile à croire et surprenante) mais c’est dans cette Vie-à-jamais, cette Parole-à-jamais qu’elle prend tout son sens. Ce tombeau désormais vide, doit remplir d’espérance le cœur de ceux et celles qu’ils l’ont suivi et le suivent encore aujourd’hui et qui sont devenus ses témoins et serviteurs de sa Parole (Luc 1,2) et qui ont l’audace de vivre de Lui, nuit et jour.
Bonnes fêtes de Pâques.