Mission. Aujourd’hui, ce n’est pas un mot très à la mode, on lui préfère ceux de ‘nouvelle évangélisation’. Ou bien l’on distingue les deux. La mission c’est pour ceux qui sont au loin, en Océanie, en Afrique, prisonniers de leur pauvreté…ceux dont quelques missionnaires zélés nous parleront lors de l’une de leurs visites en France métropolitaine, des histoires à pleurer parfois. Quant à la nouvelle évangélisation, elle serait destinée au peuple de l’Occident, loin de l’Eglise, esclave de son opulence. Je me souviens de ce film ‘super 8’ (oui, je sais ça date d’une autre époque) lors du passage d’un de ces missionnaires à l’école (catholique, cela va sans dire) quand j’étais enfant. Sur la pellicule déjà jaunâtre, qui avait traversé les océans, un jeune enfant africain malade de la lèpre et qui allait bientôt mourir (sinon cela n’aurait aucun intérêt) nous parlait de sa joie de croire en Jésus-Christ. Bien sûr, il avait notre âge, il portait le prénom, bien chrétien, de Timothée (ou de ce genre néotestamentaire)… et nous serions convaincus de devenir à notre tour de bons missionnaires, ailleurs. Et puis, aujourd’hui, il nous me faudrait, pour devenir un bon missionnaire selon l’idée convenue, me tenir sur la place publique, ou à la sortie d’un supermarché, distribuant du vin chaud aux passants et les inviter à venir à la messe de Noël : oui, l’on confond souvent ‘nouvelle évangélisation’ et ‘pseudo-évangélisation de rue’.
Loin de moi de vouloir nier l’intérêt d’une mission extra-muros ou ad-intra. Mais pour éviter toute confusion entre ‘mission’ et ‘propagande’, sans doute nous faut-il rappeler le sens évangélique de la mission. Le Nouveau Testament décrit la figure du disciple missionnaire comme avant tout celle d’un témoin : “Vous recevrez une force, celle du Saint Esprit. Alors vous serez mes témoins” (Ac 1,8). Ok, me direz-vous allons témoigner ! Oui, mais comment ? Et témoigner de quoi ? Le mot grec pour témoin est ‘martus’ qui donne en français ‘martyre’. Quoi ? Nous allons donc pour mourir ? Oh là, pas trop vite ! Car s’il nous faut mourir (pour la cause) que ce soit d’abord à nous-même, c’est-à-dire en renonçant à toute velléité de toute-puissance, toute volonté de conquête ou de résistance armée (je vous conseille à ce sujet l’article d’actualité par Koz).
Le témoignage est avant une attitude, une attitude qui doit être première et que résument ces deux commandements : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit et Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Mt 22,34-40). Quand on parle d’amour, on peut penser tenir un discours tiède de Bisounours. Mais celui qui prononça ses paroles est loin d’être Casimir à l’île aux enfants : regardez la Croix et vous verrez jusqu’où il témoigna de cet amour à double face. Comment pourrions-nous dire aimer Dieu si nous montrons de la haine vengeresse envers notre prochain ? Or la force du témoignage passe par ce double (voire triple) enjeu : aimer Dieu, à la manière du Christ, aimer son prochain à la manière du Christ, s’aimer soi-même comme le Christ nous estime. Que donnons-nous à voir, non seulement personnellement mais ensemble, en Eglise ? Témoigner c’est vivre de cet amour et qui déborde jusque sur nos prochains, ‘tous ceux qu’on croise’ me traduisait une jeune de 6ème, même si ce témoignage demeure parfois incompris. Mais le témoignage demeurera le coeur, l’âme et l’esprit de la Mission, car il ouvre au monde : un possible, celui de l’Espérance, qu’ouvre toute relation à Dieu.
Déjà, Tertullien, au second siècle écrivait (je le laisse conclure) :
Mais c’est surtout cette pratique de la charité qui, aux yeux de quelques-uns, nous imprime une marque spéciale. « Voyez, dit-on, comme ils s’aiment les uns les autres », car eux se détestent les uns les autres; « voyez, dit-on, comme ils sont prêts à mourir les uns pour les autres », car eux sont plutôt prêts à se tuer les uns les autres. Quant au nom de «frère» par lequel nous sommes désignés, il ne les fait déraisonner, je crois, que parce que, chez eux, tous les noms de parenté ne sont donnés que par une affection simulée. Or, nous sommes même vos frères, par le droit de la nature, notre mère commune; il est vrai que vous n’êtes guère des hommes, étant de mauvais frères. Mais avec combien plus de raison appelle-t-on frères et considère-t-on comme frères ceux qui reconnaissent comme Père un même Dieu, qui se sont abreuvés au même esprit de sainteté, qui, sortis du même sein de l’ignorance, ont vu luire, émerveillés, la même lumière de la vérité! –
Tertullien, Apologétique, XXIV (II° s.)
C’est ton homélie d’aujourd’hui ?
Ca fait un bel écho à notre soirée d’hier sur le thème de la fraternité avec Henri Quinson et des personnes qui cherchent à mettre en œuvre la fraternité dans leurs responsabilités politiques et sociales. Très intéressant. Billet de blog prochainement, mais là il faut que j’y aille, journée de formation… tiens c’est drôle le thème est : l’Eglise : communion et mission. Juste un hasard…