K… comme Carême. Le principe : chaque jour (sauf le dimanche), dire le carême par un mot commençant par K. Quarante jours donc quarante mots pour (re)découvrir le carême. Retrouvez tous les articles déjà parus de la série “K… comme Carême“.
Kéfirophobie : (n. f.) Peur du lait de brebis. Certes c’est une phobie sans doute rare et plutôt méconnue[1. S’il y a quelques lecteurs de ce blog qui en souffrent, je serais heureux de lire leur témoignage.] comme beaucoup d’autres phobies d’ailleurs.
Nous avançons vers Pâques, et les prochaines lectures vont révéler les questionnements, la suspicion, les complots jusqu’à la trahison… au point qu’aujourd’hui Jésus doit se justifier dans une véritable plaidoirie. Nous pouvons alors légitimement nous poser des questions : que craignaient les autorités du Temple ? Etait-il un homme si dangereux qu’on en vienne à vouloir le supprimer ?
Certes les hypothèses historiques peuvent nous éclairer : non respect du sabbat, blasphème au motif de se proclamer ‘Fils de Dieu’ (Mc 14,64 ; Mt 26,65 ; Jn 19,7), usurpation du titre royal et trouble de l’ordre public (Jn 19,12, Lc 23,2) … Les raisons ne manquent pas et, sans doute, la condamnation de Jésus s’origine, probablement, dans des motifs politiques ET religieux : le mélange des deux est souvent explosif. Néanmoins, une question demeure : pourquoi le Verbe de Dieu n’a-t-il pas réussi à convaincre ?
Une explication : la kéfirophobie ! Non, je ne plaisante pas[2. Je ne me le permettrais pas pour un sujet aussi sérieux]. Cela peut paraître étonnant, mais celui que Jean désignait comme l’agneau de Dieu (Jn 1,36), celui qui, lors de sa Passion, sera muet comme une brebis devant ceux qui la tondent (Is 53,7), suscite la crainte. Non pas tant sa personne que ce qui sort de lui. Les opposants de Jésus sont kéfirophobes. Ils craignent le lait de cette brebis-là : ses œuvres. Ils craignent ses signes : quel est donc cet homme qui guérit, réanime, exorcise ? Certes, à l’époque, des guérisseurs il y en avait d’autres (Mc 9,38). Mais ces actions étonnantes gênent, dérangent car, justement, elles font sens en inaugurant le Royaume de Dieu attendu (Lc 4,16-30). Ils craignent ses paroles : quel est donc cet homme qui parle avec autorité (Mc 1,27) ? Qui est-il donc, lui, le Galiléen, pour donner des leçons aux scribes, aux pharisiens… ?
Bref, Jésus est craint, car ses œuvres, sa vie, frappent l’homme dans sa vérité. Il sait que les kéfirophobes de son temps ne pourront jamais boire ses paroles : Le Père : vous n’avez jamais écouté sa voix, vous n’avez jamais vu sa face […] d’ailleurs je vous connais : vous n’avez pas en vous l’amour de Dieu […] vous ne me recevez pas. Jésus est craint car il dénonce ainsi l’orgueil de l’homme : Comment pourriez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des autres, et qui ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ! Il est vrai que les paroles de Jésus, ne se boivent comme du petit lait de brebis : ‘aimez vos ennemis’, ‘comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés’… Glups ! De quoi ravaler notre orgueil.
Car le kéfirophobe est aussi orgueilleux, il attend la gloire, sa gloire, des hommes. Son dégoût du lait de brebis, vient de son amour du veau. Le kéfirophobe est chrysomoschophile (celui qui adore le veau d’or). Ce veau d’or idéologique, immuable, bien visible et rassurant qui conduit parfois aux pires attitudes, jusqu’à en verser le sang de brebis innocentes[3. Toute allusion à une actualité récente n’est pas fortuite]. Cette kéfirophobie, dans ce refus de s’abreuver à la parole de Dieu, ne rend aucunement gloire à Dieu.
Et j’ai dit: Je vous ferai monter de la misère d’Égypte …
vers le pays ruisselant de lait de brebis. (d’après Ex 3,17)