(5) Mais où est passé Tom ?

Découvert récemment, un papyrus du IInd siècle retrace les faits et gestes des premiers disciples depuis la découverte du tombeau vide jusqu’à la Pentecôte. Ce manuscrit rapporterait le témoignage même de Matthias, disciple du Seigneur, celui qui sera appelé à devenir Apôtre (Ac 1,25).

Emmaüs

Chapitre 5

Simon-Pierre et les autres disciples pourvurent à mon voyage[1. Voir épisode précédent] et je partis ainsi à la recherche de Thomas sans savoir où il se trouvait.  Je n’avais aucune affinité avec lui. Je le jalousais même. Il avait été choisi par Jésus pour être des Douze, lui, à peine sorti de l’enfance, trop naïf, trop fougueux. Et moi qui avais connu Jésus lorsque j’étais avec Jean le baptiste, bien avant que Thomas ne nous rejoigne, je n’avais pas été choisi. Et me voilà pourtant à sa recherche. Selon Matthieu, Jacques et Thaddée, il était avec eux à Béthanie[2. Voir épisode 3] mais avait quitté la maison sans rien dire.

J’arrivais donc à la maison de Lazare, à Béthanie. Il y avait là ses sœurs, et des membres de la famille de Jésus : Jacques son frère[3. Jacques le frère du Seigneur aura en charge la communauté de Jérusalem selon Ac 15,13 et Ga 1,19] et Marie sa mère. La maison respirait de joie : pour eux, il ne faisait pas de doute qu’il s’était vraiment relevé des morts. Pourtant cet enthousiasme, au lieu de me rassurer, me mettait encore plus mal à l’aise. Et celle qui aurait pu alors dire bien des choses, se taisait encore, comme s’il fallait que, nous aussi, nous nous laissions librement approcher de ce mystère. Et ce n’est que plus tard que je comprendrais cette parole de Lazare : « Matthias, Dieu a visité son peuple ! ».

Au soir j’arrivais à Jéricho à la maison de Zachée [4. Lc 19,1-10] qui me reçut avec joie. Durant le repas, il me harcelait de questions : Etait-il vraiment vivant ? L’avais-je vu ? Mais je ne pouvais lui raconter que ce que moi-même j’avais entendu : les récits de la madgaléenne, de Pierre et des deux disciples… Chaque mot semblait le réjouir. Il m’apprit que Thomas était venu chez lui avant de retourner en sa famille à Cana. Dès le lendemain, à la première heure, je repris le chemin.

Je savais bien qu’avant la nuit tombée, je les rencontrerais. En effet, au bord du Jourdain, à Aïnôn, les disciples de Jean[5. Ici Jean le baptiste] m’accueillir. Je me retrouvais là comme au tout début : c’était parmi eux que j’avais fait la connaissance de Jésus. L’annonce de sa crucifixion avait jeté un trouble dans leur petit groupe déjà marqué par la mort brutale de leur maître[5. cf. Mt 14,6-12 ; Mc 6,17-29 ; Lc 3,19-20 ;9,9]. Je n’osais leur dire que certains l’avaient vu vivant. Durant ce voyage vers Cana, je n’espérais qu’une chose : qu’il se montre, que je le vois de mes yeux, que je puisse moi aussi réentendre encore sa voix. Je me rappelais le récit des deux disciples qui l’avaient rencontré sur la route et je voulais le voir à mon tour. Je ne cessais de dévisager ceux que je croisais, espérant le reconnaître. Ces lieux et ces visages ne cessaient de me rappeler tous ces moments passés à ses côtés : ces arbres sous lesquels il nous parlait en parabole, cet aveugle mendiant au bord de la route, cette femme allant au puits… J’aurais aimé leur parler comme il leur parlait. Son souvenir était là, mais lui je ne le vis pas.

C’est au soir du troisième jour que j’arrivais à Cana en Galilée. Comme le sabbat venait de commencer, je me mis en recherche de la synagogue. Là, je les vis tous les deux : Thomas et Judas son frère. Je me rappelais aussi de cette noce où ils étaient  serviteurs[6. Jn 2,1-11].

Commentaire

papyrus

La recherche de Thomas constitue le prétexte narratif à une véritable quête spirituelle depuis Béthanie, dans la maison de Lazare, à Jéricho, jusqu’à Aïnôn, lieu johannique associé à Jean le baptiste. Outre les lieux, Matthias visite ces groupes identifiés dans les autres évangiles comme des cercles reconnus : la famille de Jésus, les disciples de Jean… A travers eux, Matthias rencontre la diversité de la première communauté. On remarque qu’il s’agit, ici, de suivre le chemin de la mission de Jésus ‘comme au tout début‘, depuis à l’origine de la prédication : la famille de Nazareth et les disciples du Jourdain.

Anna Mashal

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