Découvert récemment, un papyrus du IInd siècle retrace les faits et gestes des premiers disciples depuis la découverte du tombeau vide jusqu’à la Pentecôte. Ce manuscrit rapporterait le témoignage même de Matthias, disciple du Seigneur, celui qui sera appelé à devenir Apôtre (Ac 1,25).
Chapitre 9
A l’approche de la fête de la fête des Semaines, notre présence à Jérusalem gênait les autorités pharisiennes comme les chefs du Temple[1. Cf. épisode précédent]. Les uns comme les autres craignaient une insurrection de notre part. S’ils avaient pu nous voir, pourtant, tout tremblant, nous : pêcheurs, publicains, zélotes, … petit groupe interlope sans animosité aucune, ni défense. Lorsque la délégation des pharisiens nous eut quittés, un homme alors se présenta à la porte de la maison. Certains d’entre nous l’avaient déjà aperçu depuis quelques jours : un homme, caché sous son manteau, semblait nous suivre, nous épier.
L’homme dit se nommer Jésus Barabbas[2. Mt 27,16 ; Mc 15,7 ; Lc 23,18 ; Jn 18,40]. A ce nom, beaucoup reculèrent ayant reconnu en lui, celui qui fut relâché à la place de Jésus de Nazareth. Depuis quelques temps, nous dit-il, lui et ses compagnons surveillaient le quartier afin de nous protéger des gardes du Temple et des romains. Il disait avoir une dette envers notre maître et qu’il mettait ses armes à notre service, prêt à nous défendre et servir la révolte. Ce que les grands-prêtres et les pharisiens craignaient, les zélotes, eux, l’espéraient. Simon-Pierre, Jacques et Jean lui redirent que pour nous, notre espérance était désormais en Christ. Barabbas se mit en colère. Simon qui le connaissait[4. Il s’agit ici de Simon le zélote] et, qui hier aurait volontiers pris les armes[5. Voir épisode 4], essayait de convaincre Barabbas que nos intentions n’avaient rien de belliqueuses.
L’homme parti, les Onze aussitôt se réunirent pour décider ce que devait être notre attitude. Il était évident que notre présence à Jérusalem suscitait autant de craintes infondées que de vains espoirs. C’est ainsi que le lendemain, les Onze se rendirent au Temple. Je les accompagnais, ainsi que quelques autres disciples, sans savoir ce qu’ils avaient convenu.
A chaque coin de rue, nous apercevions un homme de Barabbas comme s’il voulait s’assurer de notre sécurité ou de nos intentions. Arrivés sur la place, les Onze se procurèrent tout le nécessaire pour le sacrifice : le mouton, les gâteaux et les pains[6. Ces offrandes sont destinées au sacrifice de communion (ou de paix) décrit en Lv 3,1-17 ;7,11-15]. Lorsqu’ils arrivèrent près de l’autel, les prêtres, les ayant reconnus, furent pris de panique. Les gardes s’approchèrent, et derrière nous un groupe de zélotes. Il y eut un long silence dans le Temple. Le Grand-Prêtre lui-même vint à notre rencontre. Les Onze lui demandèrent alors d’offrir un sacrifice de paix. D’un air grave, Caïphe[7. Le grand-prêtre Mt 26,3 ; Jn 11,49] pris l’animal tandis que d’autres prirent les offrandes. Nous chantâmes alors les louanges, nous, les prêtres et derrière nous les zélotes et quelques pharisiens curieux. Je ne sais si les grands-prêtres furent rassurés par notre geste, mais nous pûmes ainsi rester sans crainte à Jérusalem jusqu’à la Pentecôte.
Commentaire
La présence de Barabbas, dont l’histoire ne sait que trop peu de choses, est une originalité du récit. Il permet d”opposer à la bienveillance des disciples, la force armée de Barabbas et la suspicion de la classe sacerdotale.
Anna Mashal
🙂 Votre description de Barabbas, somme toute sympathique, n’est finalement pas si éloignée de celle que fit Marek Halter dans son “Marie”… Un jeune Barabbas sauvé des Romains par la toute jeune Marie, choisissant certes la voie de la violence pour répondre à la violence d’Hérode, mais aussi capable d’amour et de fidélité.