Découvert récemment, un papyrus du IInd siècle retrace les faits et gestes des premiers disciples depuis la découverte du tombeau vide jusqu’à la Pentecôte. Ce manuscrit rapporterait le témoignage même de Matthias, disciple du Seigneur, celui qui sera appelé à devenir Apôtre (Ac 1,25).
Chapitre 10
Si notre sacrifice offert au Temple[1. Voir épisode précédent] avait calmé les esprits, il n’avait pas tu la suspicion à notre égard. Je ne sais d’où nous est venu alors ce nom, mais dans tout Jérusalem on nous appelait les Nazôréens. Ce quolibet qui se voulait méprisant, faisait notre joie : oui, nous étions bien les disciples de Jésus de Nazareth en Galilée. Et c’est sans doute cette fierté de l’avoir été et cette joie de le savoir vivant qui attiraient à nous la foule du peuple. Chaque jour, au Temple, beaucoup venaient à notre rencontre. Certains d’entre eux étaient de ceux qui avaient, un jour, écouté Jésus, admiré et bénéficié de ses signes et prodiges. D’autres nous interrogeaient sur le Royaume dont il avait annoncé la venue. Tant de témoignages nous réconfortaient. Mais, agacés, les scribes et les pharisiens venaient troubler ces rencontres, nous questionnant et nous opposant la parole de la Loi. Nous n’avions pas la sagacité de Jésus pour leur répondre. Nous étions si démunis qu’ils partaient avec la satisfaction des vainqueurs. A leurs yeux, nous n’étions que des rustres illuminés.
Nous n’avions ni l’apparat des grands-prêtres, ni la connaissance des scribes, ni la pratique des pharisiens. Et nous en étions bien conscients. Nous aurions voulu convaincre le monde entier que Jésus était bien vivant, qu’il était Christ et Fils de Dieu. Mais notre pauvreté rendait vaine nos paroles. Cela faisait plusieurs semaines que Jésus ne s’était pas manifesté, et sa présence me manquait. J’aurais voulu qu’il soit présent, qu’il puisse répondre, lui-même, à nos détracteurs. Et comme toujours, Jésus devança nos craintes. Car peu de temps après, un matin, alors que, quelques uns d’entre nous, avec les Onze, nous nous trouvions au mont des Oliviers, un homme vint à notre rencontre. L’un de nous le reconnut de suite et s’écria : « C’est le Seigneur ». « La paix soit avec vous » nous dit-il. Nous n’osions nous approcher davantage. Puis Jésus poursuivit : « Ne craignez plus ce que vous devez dire, ou comment vous défendre, car L’Esprit que mon père vous enverra en mon nom, vous enseignera tout et me rendra témoignage[2. Lc 12,12 ; Jn 14,26]. Mes amis, comme je vous ai aimé, aimez-vous les uns les autres[3. Jn 15,12]. Désormais vous êtes mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre[4. Ac 1,18] et moi je serai avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde[5. Mt 28,20]. » Puis, il nous bénit et, désignant le ciel, il dit : « Maintenant, vous ne me verrez plus, car je vais vers le Père [Jn 16,10]». Et, alors que nous regardions ce ciel, il disparut à nos yeux.
Et nous les rustres nous étions désormais illuminés par cette espérance que le Christ ressuscité avait fait naître en nous.
Commentaire
Le manuscrit de Matthias offre une autre version de l’ascension de Jésus, tout étant proche de celui du livre des Actes des Apôtres (Ac 1). Cette version insiste davantage sur l’absence de formation à l’écriture des disciples, en dehors de celle qu’il aurait pu recevoir auprès du baptiste ou de Jésus. L’annonce de la proximité du Royaume rendait inutile un tel enseignement. La place donnée à l’Esprit, et reprenant des éléments de l’évangile de Jean, insiste sur le caractère eschatologique de la communauté qui tire sa vie et son savoir du Christ et de sa Passion. Cette communauté reçoit ainsi le témoignage du Ressuscité lui assurant son secours face aux prochaines oppositions.
Anna Mashal
Votre manuscrit introuvable infirme donc la conviction de Jean-Christian Petitfils concernant les Nazôréens ! JCP soutient dans son “Jésus” qu’il n’y a pas de lien avec Nazareth, et qu’il s’agit d’un clan descendant du roi David…