En ce petit matin, alors qu’il travaillait son bois, Joseph le charpentier pensait à la petite Marie, comme il aimait l’appeler. Maintenant que ses parents avaient consenti à ce qu’il l’épouse, il était le plus heureux des hommes.
Lui que beaucoup considérait comme trop timide pour se marier, allait pouvoir enfin sortir du bois : il allait se marier avec la plus belle des jeunes filles du village, à ses yeux du moins. Touchons du bois, on ne sait jamais se dit-il, tout en regrettant déjà ce geste superstitieux ! Comme chaque jour, il attendait le passage de la petite Marie, qui ne manquait pas de passer devant son atelier, son large sourire aux lèvres. Mais ce jour-là, elle vint sans son sourire. Sa mine grave et triste laissait présager le pire. Elle lui fit signe de venir. Il s’approcha. Elle n’eut pour lui que ces mots : “Je suis enceinte”.
Joseph avait beau être du bois dont on fait des flûtes, cette fois-ci Marie avait dépassé les bornes. Sa colère était telle qu’il voulait dès l’instant lui montrer de quel bois on se chauffe ! Il marchait d’un pas décidé, faire éclater l’affaire au grand jour, la traînant par le bras ! Mais à mesure qu’il avançait son regard croisait ceux des passants interloqués. Qu’arriverait-il alors à Marie, si je la dénonce ainsi , pensait-il ? Elle prendrait une belle volée de bois vert par sa famille, le reste du village lui casserait du bois sur le dos, sa vie serait finie. Alors, s’arrêtant, il regarda les yeux de Marie en pleurs, et, comme il ne put rester de bois, il la laissa ainsi sur la place du village, pour s’en retourner chez lui, seul.
La journée fut longue. Joseph était de ces hommes justes, fidèles à la Loi, pas de ces bois-sans-soif qui ne trouvent de solution que dans une bonne ‘gueule de bois’. Il se devait de la répudier même si cela lui coûtait… à moins que… en secret… ailleurs… dans un autre village… loin au fond d’un bois ? Joseph, aux abois, ne savait que faire. Lorsque la nuit tomba, il essaya vainement de s’endormir, et quand enfin le sommeil fut plus fort que son tracas, il s’endormit tel la belle au bois dormant, mais d’un sommeil plus agité !
C’est au cœur de cette nuit, que survint un ange qui ne parlait pas la langue de bois. Il lui dit : “Je ne voudrais pas mettre mon doigt entre le bois et l’écorce, mais crois-tu, Joseph, fils de David, que ton mariage était un chèque en bois ? Prends-la pour épouse ! L’enfant qui est engendré en Marie vient de l’Esprit Saint et lorsqu’il naîtra tu lui donneras le nom de Jésus. Croix de bois, croix de fer… !”
Alors, le lendemain, Joseph revint vers Marie et lui confirma sa volonté de l’épouser et de faire feu de tout bois pour éduquer et protéger cet enfant divin.