Les Juifs lui répondirent : « Ce n’est pas pour une œuvre bonne que nous voulons te lapider, c’est parce que tu blasphèmes : tu n’es qu’un homme, et tu prétends être Dieu. » Jésus leur répliqua : « Il est écrit dans votre Loi : J’ai dit : Vous êtes des dieux. Donc, ceux à qui la parole de Dieu s’adressait, la Loi les appelle des dieux ; et l’Écriture ne peut pas être abolie. (Jn 10,31-42)
Cela fait quand même la deuxième fois, que Jésus subit des menaces violentes. Déjà, peu après avoir déclaré : ‘Avant qu’Abraham existât, JE SUIS‘ (usant ainsi du Nom divin), ses opposants voulaient lui ‘lancer des pierres‘ (Jn 8,59). Cette fois-ci, ils veulent le lapider car il ose déclarer, disent-ils, qu’il est Dieu ! La violence va crescendo, nous conduisant vers la Croix avec Lui, et parallèlement, dans le même crescendo, l’identité divine de Jésus se fait jour de plus en plus. A ceux qui le condamne pour affirmer sa divinité, Jésus, puisant dans l’Écriture, leur répond : ‘Vous êtes des dieux’. Réponse ironique.
Jésus reprend en effet un verset du psaume 81/82 (cf infra). ‘Vous êtes des dieux, des fils du Très Haut‘ chante le psalmiste. Notre “divinité” tient ainsi à notre relation filiale avec Dieu-Père. Dieu nous a créé fils, à son image et à sa ressemblance. En se présentant comme le Fils depuis toute éternité, Jésus se donne à voir, comme celui qui incarne la véritable filiation, la véritable image du Père. Oui, l’Écriture le déclare avec raison : nous sommes des dieux quand nous accueillons cette filiation, quand nous nous laissons ‘formés’ par le Christ-Fils. Mais, tout est-il si simple ?
Paradoxalement (ou ironiquement), le psaume cité par Jésus, est un reproche contre ceux qui ont oublié la véritable Justice de Dieu auprès des plus fragiles : l’orphelin, le pauvre, le malheureux, le faible… A ce titre Jésus demande à ses accusateurs : J’ai multiplié sous vos yeux les œuvres bonnes de la part du Père. Pour laquelle voulez-vous me lapider ? La filiation divine de Jésus transpire jusque dans ses œuvres. La vie filiale en Dieu ne peut passer outre la Fraternité, la vie fraternelle, notre souci de ces ‘petits’ frères.
Car il est une autre manière d’être ‘des dieux’, celle de se prendre pour Dieu. Se diviniser soi-même et vouloir gouverner sa vie et celle des autres, contre les uns, indifférents aux autres. Sur de notre bon droit, nous pourrions vivre à la manière d’un dieu, mais non pas vivre de Dieu, ni de sa Justice. Ainsi les accusateurs de Jésus veulent avoir le droit de vie ou de mort sur Jésus, oubliant ses œuvres de Justice qui faisaient l’éloge du Père. Cette divinité-là ne conduit qu’à la mort : Vous êtes des dieux, des fils du Très-Haut, vous tous ! Pourtant, vous mourrez comme des hommes.
Oui nous sommes des dieux ? Mais non pas parce que nous voulons être un dieu, mais parce que nous recevons de Dieu, sa propre divinité qui se révèle dans le Christ et qui nous donne Vie, vie fraternelle (au sens fort du terme), vie filiale, vie dans le don de soi et l’abandon de nos égos, Vie éternelle.
Psaume 81
Dans l’assemblée divine, Dieu préside ; entouré des dieux, il juge.
« Combien de temps jugerez-vous sans justice, soutiendrez-vous la cause des impies ? « Rendez justice au faible, à l’orphelin ; faites droit à l’indigent, au malheureux.
« Libérez le faible et le pauvre, arrachez-le aux mains des impies. »
Mais non, sans savoir, sans comprendre,
ils vont au milieu des ténèbres : les fondements de la terre en sont ébranlés.
« Je l’ai dit : Vous êtes des dieux, des fils du Très-Haut, vous tous !
« Pourtant, vous mourrez comme des hommes, comme les princes, tous, vous tomberez ! »
Lève-toi, Dieu, juge la terre, car toutes les nations t’appartiennent.