Rencontre #36 … avec des disciples embarrassés

Mardi (semaine sainte)

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, au cours du repas qu’il prenait avec ses disciples, il fut bouleversé en son esprit, et il rendit ce témoignage : « Amen, amen, je vous le dis : l’un de vous me livrera. » Les disciples se regardaient les uns les autres, avec embarras ne sachant pas de qui Jésus parlait. (Jn 13,21-38)

L’annonce de sa trahison est claire. Jésus sait qui le livrera. Or, ce qui peut nous étonner ce sont les réactions des disciples : ils ne comprennent pas ou, pour prendre la Nouvelle Traduction Liturgique, ils sont dans l’embarras. Même lorsque Jésus sera encore plus précis et désignera le coupable, leur interrogation demeure. Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Naïveté ? Complicité silencieuse ? Peur de leur propre culpabilité ? Que signifie cet embarras ?

A l’annonce de Jésus ‘L’un de vous me livrera‘, les disciples ne semblent pas s’étonner du fait, mais de l’identité du coupable, l’un d’eux.  Mais qui ? Le doute d’une culpabilité personnelle semble même traverser la pensée embarrassée de Pierre. Sa question doit passer par le disciple que Jésus aimait, le seul à ne pas faire partie des suspects. Voilà sans doute une clef de compréhension :  se savoir pleinement aimé de Jésus, c’est pouvoir lui demeurer fidèle. Douter de son amour, c’est déjà sortir de la logique de l’Amour divin pour entrer dans la nuit de la trahison et du reniement. Pierre, Judas et les autres douteraient-ils de l’amour de Jésus ?

Le coupable désigné, les disciples ne comprennent toujours pas. La parole unie au geste de la bouchée était pourtant claire. Il ne devrait plus y avoir de doute. Pourtant aucun des convives ne comprit le sens de cette parole. Il est vrai que le geste est confus. Donner la bouchée à un hôte, c’est l’honorer. Jésus pourrait-il honorer son propre traître ? A vue humaine, cela reste incompréhensible, voire même embarrassant, mais l’amour de Jésus est indéfectible et embrassant, y compris envers Judas.

Le texte liturgique omet, hélas deux versets qui auraient pu être encore plus éclairants pour ce récit : Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. (Jn 13,34-35). Face à la trahison inéluctable de Judas, au reniement prochain de Pierre, Jésus demande à ses disciples et convives de s’enraciner encore et malgré tout, après sa mort et résurrection, dans l’amour fraternel.

Car la trahison et le reniement ne concernent pas seulement la relation avec Jésus, mais ils impliquent également la vie fraternelle et ecclésiale. Renouer avec cet amour donné, livré, sans exclure le renégat, ouvre non seulement à la Réconciliation avec le Christ lui-même (comme je vous ai aimé), mais permet la véritable vie ecclésiale et missionnaire : Tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples.

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