Une histoire de mangeoire
Dans nos crèches, nous contemplons ce personnage de cire ou de plastique, installé sur la paille, sans faire attention à l’incongruité d’une telle mise en scène. Nos oreilles nostalgiques, nos croyances infantiles, nos yeux éblouis de guirlandes… nous auraient-ils rendus sourds et aveugles face à l’aberration d’une telle situation : l’enfant-né, divin Sauveur, couché dans une mangeoire. Et par trois fois, pour bien insister, Luc nous le répète :
- “Et [Marie] mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire.” Lc 2,7.
- “Alors l’ange dit [aux bergers]: Voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire.” Lc 2,14.
- “Ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire”. Lc 2,16.
Bien entendu, nous pensons, innocemment, qu’en ce supposé hiver froid, l’enfant bénéficie du souffle chaud d’un âne et d’un bœuf. Amis parents, amis pragmatiques, pensez-vous vraiment qu’un père et une mère laisseraient leur enfant tout juste sorti du ventre maternel, sous les dents et mâchoires de bêtes de somme ? Très rares sont même les peintres du Moyen-âge et de la Renaissance qui ont osé représenter une telle scène.
Une histoire d’abandon.
Le sein d’une mère ou les bras d’un père ne sont-ils pas plus adéquats et plus aimants qu’une simple mangeoire pour réchauffer un enfant ? Et pourtant, à peine né, Jésus est déposé dans cette crèche, à l’écart. Comme si Marie et Joseph s’effaçaient, abandonnant leur “droit de propriété”, pour confier l’enfant à un destin qui les dépasse. Il ne s’agit pas de démission mais de signe donné à voir et à entendre. C’est bien le message délivré aux bergers : ‘il vous est né un sauveur !‘ Non pas ‘il est né‘, mais bien ‘il VOUS est né’. L’enfant Jésus est déjà destiné au salut de tous. Et cette mangeoire en bien est le symbole. Voici le signe qui vous est donné.
La création toute entière
Façonnée par le travail de l’homme, remplie du fruit de la terre en cette paille destinée aux bestiaux, la mangeoire représente la création toute entière qui accueille son Sauveur. L’universalité de la mission du Christ et Seigneur s’exprime déjà en cet objet. Dès sa naissance, Jésus rassemble les éléments de la création : hommes, bêtes et végétaux (Gn 1). Le monde est son berceau. Et bien plus, s’unissent avec ce divin enfant dans la mangeoire, l’armée glorieuse des anges et les bergers va-nu-pieds… Ciel et Terre se rencontrent pour accueillir cet avènement improbable.
Grand Dieu, Il s’est fait petit d’homme ! Et déposé non dans un berceau royal mais dans la pauvreté de l’humanité et de la création. La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. (Tite 2,11)
Humble sauveur
Tous chantent maintenant le Sauveur et se rassemblent autour d’un être pourtant sans parole et sans force. Le Fils de Dieu rejoint la faiblesse des hommes, leur petitesse et leur pauvreté. Comme plus tard sur la croix, ce sont les plus bas qu’il rejoint, les rebuts de la société mondaine. Ceux que nos peuples rejettent, ceux qu’ils méprisent, ne sont plus abandonnés à leur sort. Ainsi, en Jésus nouveau-né, Dieu se rend présent non pas d’abord aux plus fidèles, ni aux plus riches, ni aux plus savants, mais à ceux qui n’ont, aux yeux des hommes, aucun avenir ni espérance. Et c’est bien pour cette seule bonne nouvelle que déjà nous pouvons chanter notre vraie joie :
‘Gloire à Dieu au plus haut des cieux
Et paix aux hommes qu’il aime!’
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Merci beaucoup père François et joyeux Noël