Parallèles : Mt 10,9-15| Lc 9,1-6
L’épisode précédent nous avait relaté cette quasi-fin de non-recevoir de la part des gens de sa patrie. Mais cet échec, relatif, n’arrête en rien la marche de Jésus et ses disciples dans les alentours. Bien plus, c’est justement le moment qu’il choisit pour les envoyer seuls, sans lui.
La mission comme un don (6,6b-7)
6, 6b Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant. 7 Il appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs,
L’initiative de Jésus
Derrière ce petit passage nous pouvons lire, probablement, toute l’expérience des premiers chrétiens et de la communauté de Marc. Après l’échec apparent de la mort de Jésus, après les persécutions, les chrétiens n’ont cessé d’annoncer la Bonne Nouvelle du Ressuscité.
Cette mission est décrite comme l’initiative même de Jésus. Il demeure celui lui qui appelle, qui envoie et qui donne. La mission est avant tout un don : celui de son autorité sur le mal. Jésus donne pouvoir aux Douze, qu’il avait précédemment choisis (3,13-19), en vue d’un bien destiné à libérer les hommes des esprits impurs et de bien d’autres maux. La mission de l’Évangile ne relève pas de l’initiative du missionnaire, ne constitue en rien une affaire personnelle, pas même en vue de sa propre gloire. En les envoyant deux par deux, Jésus leur permet de taire leur orgueil en travaillant ensemble à l’Évangile. Et pour tout dernier don, il n’oublie pas ses consignes quant aux bagages et à leur attitude.
Des bagages pour une pâque (6,8-9)
6, 8 et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture. 9 « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. »
Quatre petits équipements
Les bagages sont plus que restreints. Un bâton, des sandales, une tunique, une ceinture : voilà un équipement bien pauvre. Pauvreté évangélique certes mais qui n’est pas sans rappeler la première Pâque de Moïse : C’est ainsi que vous mangerez [la Pâque] : vos reins ceints, vos sandales aux pieds et votre bâton en main. Vous la mangerez en toute hâte, c’est une Pâque pour le Seigneur (Ex 12,11). Nous sommes dans la continuité de l’épisode précédent qui esquissait Jésus tel un nouveau Moïse attendu.
À la parole de Jésus, les douze disciples sont envoyés sur la route de la mission dans l’urgence d’une Pâque. Ou pour le dire autrement, la mission confiée tient de cette délivrance et de cette rencontre avec Dieu, au sein d’une Alliance. Les guérisons, les exorcismes de Jésus en étaient déjà les signes – nous l’avons mentionné à plusieurs reprises. À travers Jésus et maintenant ses douze apôtres, une nouvelle Pâque s’annonce pour tous et pour bientôt. Nul besoin de s’embarrasser du superflu.
Si quatre équipements suffisaient, quatre autres sont inutiles : la besace, le pain, la monnaie et la seconde tunique. La besace et le pain car le Seigneur leur donnera une nouvelle manne, des pains à profusion qu’ils n’auront nul besoin d’acheter. Et cela très bientôt. Quant à l’absence monnaie dans la ceinture, elle garantit la gratuité de la mission pour laquelle les apôtres ne doivent en tirer aucun bénéfice matériel.
Toujours sortir (6,10-11)
6, 10 Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. 11 Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. »
La mission, un lieu de rencontre
La mission est décrite comme un lieu de rencontre, et non une opération de propagande, comme le désigne le vocabulaire mettant en avant l’accueil et le lien durable : demeurez. Les Douze doivent prendre le temps de vivre en maison, autrement dit dans une proximité quasi-familiale, d’être présents à l’ordinaire des gens, d’écouter avant de parler. Comme Jésus a su s’asseoir à la table des pécheurs, entendre les cris, les pleurs et les demandes, avant de livrer ses bienfaits.
Mais la mission comporte aussi une part de souffrance, d’échec et de rejet que Jésus ne cache pas à ses apôtres. Il les avertit du manque d’écoute et d’hospitalité qu’ils auront à vivre. Alors tant pis pour ceux-là qui les rejettent. Les Douze partiront ailleurs, sans rien leur prendre, pas même cette poussière collée à leurs sandales.
Douze serviteurs, une tunique (6,12-13)
6, 12 Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. 13 Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.
La tenue de l’Évangile
Les disciples n’ont pas seulement revêtu la tunique de la Pâque (cf. supra), ils ont revêtu la tenue du Christ qui lui-même proclamait l’Évangile, chassait les démons, guérissait les malades, s’installait dans leurs maisons… Ces Douze n’inventent pas la mission, ils ne sont que les simples serviteurs de leur Seigneur qui les mène vers sa Pâque. Chemin qui, comme au temps de Moïse, sera aussi balisé de dangers, de tentations et de trahisons, mais aussi de manne et de réconciliation avant l’Alliance.