Les scribes et la veuve (Mc 12,35-44)

Parallèles en fonction des péricopes

32e dim. ord. (B) 12,38-44

Après trois séries de questions de la part des pharisiens, des sadducéens et du scribe, vient maintenant le temps des enseignements de Jésus au Temple. L’un concerne l’identité du Christ selon les Écritures (12,35-37), le second vise les scribes (12,38-40) et enfin le troisième porte sur l’offrande d’une veuve (12,41-44).

Gerard van Honthorst, le Roi David jouant de la harpe, 1622

Messie et fils de David (12,35-37)

Parallèles : Mt 22,41-46 | Lc 20,39-44

Mc 12, 35 Alors qu’il enseignait dans le Temple, Jésus, prenant la parole, déclarait : « Comment les scribes peuvent-ils dire que le Messie est le fils de David ? 36 David lui-même a dit, inspiré par l’Esprit Saint : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : “Siège à ma droite jusqu’à ce que j’aie placé tes ennemis sous tes pieds !” 37 David lui-même le nomme Seigneur. D’où vient alors qu’il est son fils ? » Et la foule nombreuse l’écoutait avec plaisir.

Le Christ selon David

Si la relation entre Jésus et un scribe fut des plus positives, il n’en reste pas moins que, dans l’évangile selon Marc, les scribes sont les premiers adversaires de Jésus. Ce dernier semble remettre en cause leur enseignement sur la venue d’un christ, ou plutôt leur vision étriquée du Messie, fils de David. Pourtant, sous cette dénomination, Jésus fut ainsi désigné par Bartimée et la foule lors de son entrée dans Jérusalem1.

Selon Jésus, l’identité du christ ne saurait être réduite uniquement à une généalogie royale et davidique. Pour cela, il s’appuie sur l’Esprit Saint et le roi David lui-même à qui l’on attribuait le livre des Psaumes. Dans un de ceux-ci (Ps 110), Dieu place à sa droite le roi attendu pour soumettre ses ennemis.

Ainsi, Jésus affirme que le Christ est beaucoup plus qu’un descendant de David. Rappelons que l’évangile de Marc ne propose pas de généalogie de Jésus voulant le relier au roi d’Israël2. Car il n’est nul besoin pour Marc d’aller chercher dans l’histoire des hommes, mais dans le dessein de Dieu qui envoie son fils bien-aimé pour instaurer son règne. Et Jésus, Christ, aura sous ses pieds ses ennemis … du haut d’une croix salvatrice, avant de siéger lui-même à la droite de son Père.

Rubens, le repas chez Simon le Pharisien, 1620 (detail)

Méfiez-vous des scribes (12,38-40)

Parallèles : Mt 23,1-36 | Lc 20,45-47

12, 38 Dans son enseignement, il disait : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, 39 les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. 40 Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »

Le jugement du Christ

Christ et Fils de Dieu, Jésus endosse maintenant le rôle de ce juge des temps derniers désignant quelques-uns de ses ennemis : l’orgueil et l’hypocrisie, dont s’habillent ces mêmes scribes. La critique de Jésus porte sur leur recherche de gloire et des honneurs. Plus qu’une critique, la parole de Jésus est une mise en garde non seulement envers les scribes, mais aussi envers les auditeurs, depuis la foule jusqu’aux lecteurs.

Car l’attitude des scribes est à l’opposé de celle du disciple de Jésus qui doit choisir la dernière place, et non les premières, et ne pas chercher les honneurs mais se faire serviteur (9,35). Pire encore, ces mêmes scribes sont également en contradiction avec la Parole de Dieu qu’ils enseignent.  Malveillants vis-à-vis des veuves3 et usant de la prière pour leur propre gloire, ils contreviennent au double commandement : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu … et ton prochain…

Ainsi l’accueil de Jésus, comme Christ Fils de Dieu, suppose un abandon de toute gloire royale, toute recherche des honneurs et tout désir s’appuyant sur un paraître au détriment du verbe aimer.

Francois-Joseph Navez, l'obole de la veuve, 1840

Une pauvre veuve (12,41-44)

Parallèle : Lc 21,1-4

12, 41 Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor4, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. 42 Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie5. 43 Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. 44 Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »

Le regard juste de Jésus

L’enseignement de Jésus se poursuit mais d’une toute autre manière. Il ne s’adresse plus à la foule mais à ses disciples après avoir observé les offrandes faites au Trésor du Temple. Le regard de Jésus nous montre ces dons conséquents de nombreux riches. Pourtant, au milieu de la foule et de ce fier défilé, Jésus remarque une veuve et sa pauvre offrande. Le contraste est ainsi exposé.

La description de cette veuve doit nous rappeler celles que les scribes accablaient selon Jésus (12,40). Mais Jésus ne la plaint pas et ne s’offusque pas d’une telle injustice au sein du Temple. Elle est justement pour lui la figure inverse des scribes et des donateurs vaniteux au Trésor. En effet, Jésus dénonce l’attitude de ces derniers qui, derrière ces grosses sommes ostensiblement versées au Trésor du Temple, ne versent qu’un superflu. À l’inverse, la veuve a fait don même de sa pauvreté. Alors que les scribes cherchaient à recevoir, la veuve s’oblige à donner. Elle a fait don de très peu, mais pourtant de tout ce qu’elle avait pour vivre. Son geste devient celui du croyant qui sait aimer et donner ce tout, de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa vie.

Le vrai Trésor du Temple est ici, non dans ces deux piécettes qui ne valent même pas un denier pour César (12,13-17), non dans un tronc qui récolte les riches offrandes, mais dans cette pauvre présence discrète et sincère d’une femme sans mari (12,18-27). Le vrai Trésor de Dieu est ici, dans Celui qui, au milieu des nombreux riches, a regardé une pauvre veuve, son prochain (12,28-34). Plus encore, derrière ce geste de l’indigente, transparaît l’attitude même du Fils de Dieu. Bientôt victime outragée par les scribes, il donnera en offrande sa propre vie, toute sa vie, si pauvre et dénudée soit-elle.

  1. Que ce soit selon les Écritures, ou dans la conception populaire, le Messie de Dieu, ou Christ, devait restaurer la royauté de David selon la promesse de Dieu en 2S 7. ↩︎
  2. On trouve deux généalogies dans les évangiles, l’une chez Matthieu (Mt 1,1-17) et l’autre chez Luc (Lc 3,23-38). ↩︎
  3. Dévorer les maisons des veuves. Faisant fonction de juges, les scribes pouvaient être amenés à défendre la veuve et l’orphelin, mais contre rémunération ; ou bien, par leurs enseignements inciter fortement à l’offrande. ↩︎
  4. Dans divers endroits du Temple étaient disposés des troncs où les pèlerins déposaient leurs dons. ↩︎
  5. Littéralement : un quart d’as, équivalant à 100g de pain (1/2 baguette d’aujourd’hui). ↩︎
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