Parallèles en fonction des péricopes
Dim. des Rameaux (B) 14,1-15,47
Après son arrestation, Jésus est emmené chez le Grand-Prêtre pour un premier interrogatoire.
Au palais du Grand Prêtre (14,53-59)
Parallèles : Mt 26,57-66 | Lc 22,54-71 | Jn 18,13
Mc 14, 53 Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre. Ils se rassemblèrent tous, les grands prêtres, les anciens et les scribes. 54 Pierre avait suivi Jésus à distance, jusqu’à l’intérieur du palais du grand prêtre, et là, assis avec les gardes, il se chauffait près du feu. 55 Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort, et ils n’en trouvaient pas. 56 De fait, beaucoup portaient de faux témoignages contre Jésus, et ces témoignages ne concordaient pas. 57 Quelques-uns se levèrent pour porter contre lui ce faux témoignage : 58 « Nous l’avons entendu dire : “Je détruirai ce sanctuaire fait de main d’homme, et en trois jours j’en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d’homme.” » 59 Et même sur ce point, leurs témoignages n’étaient pas concordants.
Vrais faux témoins
La comparution de Jésus face au tribunal religieux du sanhédrin se déroule de nuit et chez le Grand Prêtre1 et non de jour à son lieu public habituel aux abords du Temple. La narration de Marc insiste ainsi sur le caractère mensonger du procès : faux lieu, faux témoins, fausses accusations, fausseté des juges et fausseté d’un disciple qui ne témoignera pas en sa faveur. Seul Jésus s’affirmera en vérité. Pierre, mentionné ici, encadre ce procès religieux. Malgré l’abandon, il est le seul des Douze à être présent, certes de loin, mais tout de même dans la cour du Grand Prêtre et au milieu des auxiliaires du Temple. Le procès de Jésus se déroule de manière singulière : les soi-disant témoins se succèdent avant que nous ayons entendu le motif d’accusation. Ici, ce n’est pas la vérité qui est recherchée mais la condamnation.
Et en trois jours je le reconstruirai
Avec ironie, Marc présente l’un de ces faux témoignages portant sur la destruction du Temple et sa reconstruction en trois jours. Une telle phrase, dans le récit de Marc2, n’a jamais été citée ainsi par Jésus lorsqu’il annonçait la ruine du Temple (13,2) et l’avènement du Jugement de Dieu. Selon les faux témoins, la menace de Jésus vise le Sanctuaire, l’espace sacré, le lieu privilégié de la rencontre entre Dieu et son peuple. Les faux témoins, qui ne s’accordent pas sur les paroles de Jésus, traduisent ironiquement une vérité : c’est bien un nouveau lieu de rencontre qui s’annonce, un sanctuaire relevé par Dieu en la personne du Ressuscité.
Le témoignage du Fils de l’homme (14,60-65)
Parallèles : Mt 26,57-66 | Lc 22,54-71 | Jn 18,13
14, 60 Alors s’étant levé, le grand prêtre, devant tous, interrogea Jésus : « Tu ne réponds rien ? Que dis-tu des témoignages qu’ils portent contre toi ? » 61 Mais lui gardait le silence et ne répondait rien. Le grand prêtre l’interrogea de nouveau : « Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? » 62 Jésus lui dit : « Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel. » 63 Alors, le grand prêtre déchire ses vêtements et dit : « Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? 64 Vous avez entendu le blasphème. Qu’en pensez-vous ? » Tous prononcèrent qu’il méritait la mort. 65 Quelques-uns se mirent à cracher sur lui, couvrirent son visage d’un voile, et le giflèrent, en disant : « Fais le prophète ! » Et les gardes lui donnèrent des coups.
La parole du juge
L’échec des témoins oblige le Grand Prêtre à mener l’interrogatoire. Le silence de Jésus rend compte que tout a déjà été dit. Les contradictions des témoins ont révélé son innocence et annoncé l’avènement d’un nouveau Sanctuaire. Et si Jésus répond à la seconde question du Grand Prêtre, c’est pour finalement manifester sa véritable identité. Il est bien le Christ, le Fils du Béni3 et bien plus. Ce n’est plus seulement son autorité sur le Sanctuaire qu’il met en avant mais son autorité de Juge eschatologique : il est le Fils de l’homme (Dn 7,13) qui siège à la droite de Dieu (Ps 110).
La parole de Jésus n’est pas un aveu mais une sentence judiciaire. Jésus mène son procès et renverse les rôles. Il met ses accusateurs sous le jugement du Fils de l’homme. Le juge divin fait face au Grand Prêtre, chef du pseudo-sanhédrin, et, en déclarant bientôt venir sur les nuées, il s’attribue une qualité divine devant l’autorité du Temple. Mais, Jésus ne peut être pris au sérieux en invoquant son jugement céleste : lui qui s’est laissé trahir, abandonner, arrêter… et bientôt bafouer. En cette nuit, dans la maison du Grand Prêtre, Jésus le Nazaréen n’a pas l’apparence d’un juge glorieux des temps derniers. Il est considéré comme un blasphémateur qui s’arroge un titre divin. Et tous le condamnent, comme peu avant tous l’avaient abandonné.
Paradoxalement, les outrages et les moqueries : prophétise ! lui donnent raison. N’a-t-il pas déjà annoncé que le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; qu’ils le condamneront à mort, qu’on l’insultera, qu’on crachera sur lui… (10,33-34)?
Le contre-témoignage de Pierre (14,66-72)
Parallèles : Mt 26,69-75 | Lc 22,56-62 | Jn 18,25-27
14, 66 Comme Pierre était en bas, dans la cour, arrive une des jeunes servantes du grand prêtre. 67 Elle voit Pierre qui se chauffe, le dévisage et lui dit : « Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth ! » 68 Pierre le nia : « Je ne sais pas, je ne comprends pas de quoi tu parles. » Puis il sortit dans le vestibule, au dehors. Alors un coq chanta. 69 La servante, ayant vu Pierre, se mit de nouveau à dire à ceux qui se trouvaient là : « Celui-ci est l’un d’entre eux ! » 70 De nouveau, Pierre le niait. Peu après, ceux qui se trouvaient là lui disaient à leur tour : « Sûrement tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, tu es Galiléen. » 71 Alors il se mit à protester violemment et à jurer : « Je ne connais pas cet homme dont vous parlez. » 72 Et aussitôt, pour la seconde fois, un coq chanta. Alors Pierre se rappela cette parole que Jésus lui avait dite : « Avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » Et il fondit en larmes.
Témoin possible mais passible
Et tandis qu’en haut Jésus témoigne de la mission du Père, Pierre, en bas, renie le Fils. Dans cette cour, au milieu des auxiliaires du Temple, Pierre doit faire face, lui aussi, à des accusations. Mais pour lui, pas de faux-témoin. Pas même de procès. S’il a suivi son maître (de loin) il ne se reniera pas (8,34-37), mais le reniera lui. Il aurait pu être le seul témoin à décharge.
Son triple reniement suit un triple mouvement : il renie être disciple de Jésus de Nazareth puis d’être un des leurs. Désavouant son maître, il réfute aussi ses frères et va jusqu’à oublier être Galiléen, c’est-à-dire celui qui répondit le premier à l’appel de Jésus, au bord de la mer de Galilée. Pierre ferme ici les yeux sur son histoire et sa relation à son Seigneur, ses frères et sa vocation, allant jusqu’à jurer qu’il ne sait, ni ne connaît rien de cet homme qu’il confessait Christ. Et plus il renie, plus il s’éloigne de Jésus depuis la cour jusqu’au vestibule.
Les yeux de Pierre se sont fermés, mais s’ouvrent et pleurent maintenant au souvenir de la Parole de Jésus. Il le lui avait dit, il l’avait prédit. La Parole de Jésus ne l’enfonce pas dans sa culpabilité, elle vient au contraire, l’ouvrir au repentir, premier pas avant le pardon de Dieu (1,4; 3,28). Et le chant du coq annonce pour lui, et pour tous, un jour nouveau, à la lumière du salut de Dieu.
- Chez Marc, le Grand Prêtre n’est jamais nommé par son nom : Caïphe. D’ordinaire, le sanhédrin se réunit de jour au parvis du Temple et nécessite la présence d’au moins 23 des 71 membres pour délibérer. ↩︎
- Elle le sera en Jean 2,19-21. Matthieu (26,61) reprend la scène de Marc sans en faire, de manière explicite, un faux témoignage. Luc ne mentionne pas ce verset. ↩︎
- Une expression similaire à Fils de Dieu. Le terme Béni évite, comme la Loi juive le demande, de prononcer le nom de Dieu. Jésus reprendra lui-même cette même coutume en parlant de puissance pour dire Dieu. ↩︎