21ème dimanche du Temps Ordinaire — Année B – Évangile selon Jean (6,59-69)
De la fraction à la friction
En ce temps-là, Jésus avait donné un enseignement dans la synagogue de Capharnaüm. Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : «Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ?» Jésus savait en lui-même que ses disciples récriminaient à son sujet. Il leur dit : «Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant ! …» (6,59-62)
Nous voici au terme de ce chapitre six de l’Évangile selon Jean. Nous sommes ainsi passés d’une foule au bord d’un lac (scène en extérieur 1/5 et 2/5), aux juifs pieux de la synagogue de Capharnaüm (scène d’intérieur 3/5 et 4/5) pour nous retrouver, maintenant, au sein du cercle des disciples (scène intimiste). Même le “pain” semble aussi suivre ce même mouvement de focalisation : les pains d’orge multipliés deviennent le pain descendu du Ciel, nouvelle manne en Jésus-Christ. Le pain symbolique fait place au véritable pain divin en sa chair et son sang, donné pour la vie éternelle. Tout nous oriente vers le mystère du Christ lui-même s’offrant pour le salut de tous.
Pourtant, la réaction à ce discours ne vient pas de la foule avide de miracles, ni de la synagogue pointilleuse en matière d’orthodoxie. Ce sont ses disciples, beaucoup de ses disciples, qui sont scandalisés par ses propos. L’unité autour de la multiplication et de la fraction des pains semble oubliée pour faire place à la friction et à la division des disciples. Que s’est-il donc passé ?
Rude parole
La première réponse de Jésus reprend pourtant cette affirmation : ‘il est le Fils de l’homme’ mais son action n’est plus définie en termes de descente mais de montée… là où il était auparavant. Jésus décrit ici l’objectif même de sa mission : non pas ‘seulement’ descendre, et de manière éclatante, pour juger le monde (3,17) mais rejoindre l’humanité dans sa faiblesse pour monter et l’attirer vers le Père (6,44). Et ce mouvement ‘eucharistique’ ne saurait exclure la croix.
La foi, la croix et la vie
«C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas.» Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait. Il ajouta : «Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père.» À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. (6,63-66)
Tu as les paroles de la vie éternelle
Alors Jésus dit aux Douze : «Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu.» (6,67-69)
L’abandon de beaucoup de disciples rend compte de la difficulté à accueillir le Christ comme celui qui se donne entièrement, sans autre gloire que la croix et l’amour du Père. Simon-Pierre et les Douze semblent – à cet instant – les seuls à avoir perçu l’indicible mystère du Christ. Si d’autres partent à cause de l’horizon de la croix, les Douze restent attachés à la personne même de Jésus qui est leur unique Seigneur et le Saint de Dieu, celui qui “dit” tout du Père Créateur de toute vie. La foi de ce petit reste est une parole d’Alliance avec le Verbe de Dieu fait chair (Jn 1) et qui a les Paroles de la Vie éternelle. Simon-Pierre et les Douze croient, non par naïveté, non par crédulité mais parce qu’ils ont su reconnaître en Jésus celui qui, jusqu’en sa chair et son sang, saura vaincre la haine et la mort pour redonner vie. Ils croient parce qu’ils ont su l’aimer en tout.
Et nous-même , à qui irions-nous ?
FIN (de ce chapitre)
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