Certes l’image d’un nouveau-né couché dans la paille, entre un âne et un bœuf, appuie sur le côté sensible, touchant, qui ravive et touche nos cœurs. Cela nous émeut aujourd’hui, mais demain ? Qui contemplons-nous vraiment dans la crèche : un enfant ? ou (aussi) un sauveur, notre sauveur ?
… mais l’attendez-vous ?
L’attendons-nous vraiment ? Si Noël célèbre sa naissance, si la crèche de la maison est prête à accueillir ce petit personnage … a-t-il encore une place dans nos vies, aujourd’hui ? Dans l’évangile de la nuit de Noël, saint Luc évoque ce détail (qui n’en est pas un) : elle le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Pas de place, pour eux, pas de place pour Lui, lors de cette nuit à Bethléem. Quelle place pour lui encore aujourd’hui ?
L’Espérance en chair
Notre chemin avec les prophètes de l’Avent, nous annonçait la venue d’un salut et d’un sauveur. Jérémie, Baruch, Sophonie et Michée nous ont dévoilé ce projet de salut divin, chacun à leur manière. Depuis l’image d’un germe, d’une noce, d’une annonciation ou d’une naissance, ces quatre prophètes esquissaient l’avènement ultime du Seigneur non par un dénouement terrifiant mais dans l’humilité patiente et aimante de Dieu. Isaïe lui-même attendra ce sauveur dans la même petitesse infantile et dans la même puissance de Paix. Oui, un enfant nous est né, […] son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. »
Cela peut nous paraître lointain, comme venant d’un passé révolu. Cela peut nous paraître illusoire, comme une utopie chantée tous les 25 décembre dans nos campagnes. Cela peut nous paraître loin de nos préoccupations quotidiennes parfois insolubles. Auraient-ils prophétisé ce salut en vain ? Faut-il encore l’attendre ?
Un avènement inattendu
Pourtant, dans cette étable de Bethléem, tout est là. Tout le dit créateur de Dieu, tout son salut. Rien ne manque. La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes (Tite 2,11). La question du salut nous est sans doute plus difficile. Car nous – je parle pour des occidentaux du XXI°s. – pensons ne pas en avoir besoin surtout venant de Dieu. Être sauvé de quoi ? Nous nous faisons, à juste titre, beaucoup d’illusions en attendant quelque chose du Salut de Dieu. Du moins, si nous ne prenons pas conscience que nous avons besoin avant tout de Quelqu’un.
La nuit de Noël nous oblige à accueillir ainsi l’inattendu salut de Dieu, non dans le triomphe de la force, mais dans une humble présence. Ce dévoilement du Seigneur dans la faiblesse peut nous décevoir, tout comme plus tard l’échec apparent de ce même Fils de Dieu crucifié. Pourtant l’endormi de la crèche vient réveiller nos cœurs, nos consciences et nos vies.
Nous concevons souvent le Salut en termes de solutions, de résolutions, de mesures, … d’acquis ou de conquête. Or voilà qu’Il se livre en nos mains, fragile et naissant. Dieu vient à notre rencontre, nu et braillard. Il nous rejoint par le bas, sans nous prendre de haut. Il vient prendre place chez nous pour donner sens à nos vies. Cet avènement convertit déjà nos modes de relation à Dieu et au monde. Il vient bouleverser nos vies et nos regards.
Naître au Salut
Un sauveur vous est né. Naître ce n’est pas ce qu’on attend d’un Sauveur. Il doit surgir, combattre, vaincre, triompher… Naître c’est être faible, fragile, affamé et limité. Mais c’est aussi faire devenir. Faire devenir père, mère, frères, sœurs, … Un enfant change le monde qui l’entoure et ses priorités. Le salut qu’apporte le Christ, en Noël, c’est d’abord de nous faire naître, avec lui, à cette véritable humanité, selon le dessein du Créateur. Le salut est dans cette renaissance qu’il nous offre, en lui faisant pleine place dans nos vies, chaque jour.
Il ne s’agit pas de s’émouvoir devant l’enfant Jésus, mais de se mouvoir vers lui, comme des bergers vers une simple mangeoire, comme des bergers devenus prophètes.
Joyeux Noël à vous aussi !
Puisse cette barque continuer à nous élever sous son soleil vivifiant !