Désert 7 – Voix du Seigneur qui épouvante le désert (Ps 28)

Voix du Seigneur : elle épouvante le désert ; le Seigneur épouvante le désert de Cadès. Ce verset provient du psaume 28 (29) qui nous fait entendre la voix de Dieu. Une voix qui semble terrifiante.

Orage au désert

La voix du Seigneur

Ps 28 1 Rendez au Seigneur, vous, les dieux, rendez au Seigneur gloire et puissance. 2 Rendez au Seigneur la gloire de son nom, adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté.
3 La voix du Seigneur domine les eaux, le Dieu de la gloire déchaîne le tonnerre, le Seigneur domine la masse des eaux.4 Voix du Seigneur dans sa force,  voix du Seigneur qui éblouit, 5 voix du Seigneur : elle casse les cèdres. Le Seigneur fracasse les cèdres du Liban ; 6 il fait bondir comme un poulain le Liban, le Sirion, comme un jeune taureau.7 Voix du Seigneur : elle taille des lames de feu ;
8 voix du Seigneur : elle épouvante le désert ; le Seigneur épouvante le désert de Cadès.
9 Voix du Seigneur qui affole les biches en travail, qui ravage les forêts.  Et tous dans son temple s’écrient : « Gloire ! »10 Au déluge le Seigneur a siégé ; il siège, le Seigneur, il est roi pour toujours !:11 Le Seigneur accorde à son peuple la puissance, le Seigneur bénit son peuple en lui donnant la paix.

La voix du Seigneur est ici pleine d’autorité. Elle exprime la puissance du créateur, le maître des éléments depuis les eaux jusqu’aux forêts, depuis la biche jusqu’au cèdre… Pour décrire cette voix, le psalmiste s’inspire explicitement de l’orage. La force, les eaux, les lames de feu … évoquent le tonnerre, les trombes d’eaux et les éclairs foudroyant les arbres. Dans notre désert tout est amplifié, le roulement du tonnerre devient assourdissant, et les trombes d’eau nourrissent les wadis (oueds) qui se changent en torrents dévastateurs. Au désert comme ailleurs, l’image reste violente et terrible : la voix divine écrase, domine, fracasse, éblouit, enflamme, épouvante, affole

L’orage gronde, mais est-ce la colère de Dieu ? Pas si sûr. Cette voix, déclinée en sept modes, est encadrée par la mention de la Gloire du Seigneur qui fait s’incliner tous les dieux et chanter son peuple en son Temple. C’est une liturgie bruyante qui veut manifester la puissance du Créateur. Le Seigneur gouverne l’ensemble de la création, depuis la terre jusqu’aux cieux : rien, ni personne n’échappe à Sa voix, pas même au désert.

Lanfranco, Moses and the Messengers from Canaan, 1624

Cadès

Le psaume 28 nous permet d’embrasser le panorama d’Israël. Les eaux de son littoral méditerranéen, les cèdres du Liban pour son horizon septentrional et le désert pour sa frontière du sud comme l’évoque le livre des Nombres : Et voici, nous sommes à Cadès, ville à l’extrémité de ton territoire. (Nb 20,16). Et enfin, concluant majestueusement ce psaume, l’évocation du Temple, centre et lieu de louange. On retrouve une géographie similaire en Ez 47,17-20.

Mais le désert de Cadès peut aussi suggérer bien autre chose qu’une limite géographique. Dans la pérégrination des hébreux, le livre des Nombres cite plusieurs lieux nommés Cadès. C’est le lieu de la contestation (et oui, encore !) aux eaux de Mériba (Nb 20, un ‘autre’ Mériba.)  Car vous avez été rebelles dans le désert de Çîn, lorsque la communauté me chercha querelle, quand je vous commandai de manifester devant elle ma sainteté, par l’eau.” Ce sont les eaux de Mériba de Cadès, dans le désert de Çîn. (Nb 27,14). Cadès est lié à la contestation.

Dans le désert de Parane se trouve aussi Cadès (Nb 13) d’où partirent les explorateurs, dont Josué et Caleb, envoyés en mission d’espionnage sur la terre promise. A leur retour, et au récit des peuples cananéens forts et nombreux qu’ils rencontrèrent, les fils d’Israël refusèrent d’aller plus en avant et de suivre la voie du Seigneur… Leur refus aura pour conséquence des années d’errance et c’est une nouvelle génération qui se présentera aux portes de Canaan. La durée de notre marche depuis Cadès-Barnéa jusqu’au passage des gorges du Zéred avait été de trente-huit ans– jusqu’à ce que toute la génération des combattants ait entièrement disparu du camp, comme le Seigneur le leur avait juré. (Dt 2,14)

Le désert de Cadès est une frontière qui n’est pas donc seulement géographique. C’est la frontière entre la contestation et la foi, entre le refus de la Parole et la confiance, entre l’inertie et l’audace. La voix du Seigneur retentit donc une fois de plus pour faire trembler ce désert de Cadès, dans lequel souvent nous plantons notre tente.

Voix qui épouvante le désert

« épouvanter » la plupart des traductions choisissent plutôt les verbes « secouer » ou « trembler », à juste raison. Dans sa comparaison entre la voix du Seigneur et l’orage, le psalmiste évoque ici ce vrombissement qui secoue le sol, les habitations lorsque gronde ce tonnerre effroyable. La voix fait trembler nos déserts, les faisant bouger, comme pour nous ressaisir, nous réveiller. Comment d’ailleurs ne pas l’être avec ce bruit, ces éclairs, ces trombes et ces tremblements ?

Nos déserts sont comme celui de Cadès : surdité et inertie. La voix du Seigneur est terrible quand elle veut nous faire aller de l’avant. Et l’on peut aussi parler d’épouvante mais pour nous-mêmes. La voix du Seigneur fait peur non parce qu’elle est vengeresse, colérique, ou même seulement opaque, incompréhensible. Bien au contraire, et c’est bien cela qui nous fait trembler, cette voix qui casse nos certitudes comme nos orgueils, qui met à jour nos fautes en un éclair… est limpide et bien audible. Nous connaissons cette voix qui parfois nous épouvante et secoue le désert de nos cœurs. C’est cette Parole de Dieu qui nous dit :

  • Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage mais le septième jour est un sabbat pour le Seigneur ton Dieu. (Ex 20,9)
  • Vous aimerez l’émigré, car au pays d’Égypte vous étiez des émigrés.  (Dt 10,19)
  • Convertissez-vous et détournez-vous de tous vos crimes, qu’il n’y ait plus pour vous d’occasion de mal. (Ez 18,30)
  • Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. (Jn 13,34)
  • Sans moi vous ne pouvez rien faire. (Jn 15,5)
  • Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent (Lc 6,27)
  • Va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres … puis viens et suis-moi ! (Lc 18,22)
  • ” Paix à vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. ” (Jn 20,21)

Par bien d’autres paroles aussi « terrifiantes », la voix retentit jusque dans nos déserts pour secouer ce sable et cette poussière qui bouchent nos oreilles indociles, pour briser nos craintes, abaisser nos orgueils, et relever nos cœurs. Comme nous le rappelle notre psaume, la voix du Seigneur épouvante le désert de Cadèspour bénir son peuple en lui donnant la paix.

Cette voix du Seigneur et Roi retentit encore sur la croix : « Père pardonne-leur… » (Lc 23,34)


Les références

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