Désert 12 – St Joseph – Comme un homme porte son fils au désert (Dt 1)

Le peuple au désert ne parvient pas reconnaître Dieu comme un père, et parallèlement Joseph se questionne sur la paternité de l’enfant. Voir en Dieu, le vrai et véritable père… telle est la question du jour.

Guido Reni, Saint Joseph avec le Chrsit enfant dans ses bras , 1620

Comme un homme porte son fils

Tu l’as vu aussi dans le désert : le Seigneur ton Dieu t’a porté, comme un homme porte son fils, tout au long de la route que vous avez parcourue jusqu’à votre arrivée en ce lieu. Dt 1,31

Voilà ce que Moïse déclare à son peuple dès le premier chapitre du Deutéronome. Au désert, Dieu t’a porté comme un homme porte son fils tout au long de la route. Le choix de ce verset est motivé par la fête de ce jour. Il pourrait bien rejoindre le verset qui évoque, dans la liturgie de la Messe, l’annonciation faite à Joseph dans l’évangile selon Matthieu (Mt 1,18-25). Trouvant Marie sa promise enceinte, je cite : Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret. (Mt 1,19). Le peuple au désert ne parvient pas reconnaître Dieu comme un père, et parallèlement Joseph se questionne sur la paternité de l’enfant. Voir en Dieu, le vrai et véritable père… telle est la question du jour.

Revenons d’abord à notre citation…

…dans le désert où tu as vu le Seigneur ton Dieu te porter comme un homme porte son fils, tout au long de la route que vous avez parcourue pour arriver jusqu’en ce lieu

L’image de Dieu que nous donne à voir ici le livre du Deutéronome, est celle du Seigneur qui marche avec son peuple à travers une longue pérégrination. De la servitude Égyptienne à l’arrivée en terre de Canaan, la route paraît sans fin, le désert brûlant, les épreuves nombreuses : la soif, la faim, les serpents, les combats et cette fatigue, ce découragement qui amène à la révolte ou pire à l’abandon. L’abandon de la promesse même de Dieu. La sortie d’Égypte ne fut pas seulement l’expérience « momentanée » de l’agir divin. Le Seigneur n’a pas laissé son peuple, désormais libre, errer seul au désert. Dans le livre du Deutéronome, l’expérience du désert permet aux fils d’Israël de percevoir toute la « paternité » originelle de Dieu. Une paternité sans paternalisme ni expression d’une domination patriarcale. A un autre endroit, ce même livre reprend cette image du père avec une dimension moins anthropomorphique et plus céleste :

Le lot du Seigneur, ce fut son peuple, Jacob, sa part d’héritage. Il le trouve au pays du désert, chaos de hurlements sauvages. Il l’entoure, il l’élève, il le garde comme la prunelle de son œil. Tel un aigle qui éveille sa nichée et plane au-dessus de ses petits, il déploie son envergure, il le prend, il le porte sur ses ailes. (Dt 32,9-11)

Et Joseph ?

Quel rapport me direz-vous avec Joseph ?

C’est tel cet aigle céleste que se conduit le Seigneur envers Joseph. Il «éveille» par sa Parole, le charpentier endormi à une décision audacieuse. Bien plus, Dieu marche aux côtés de Joseph et le portera dans les difficultés : d’abord contre son propre questionnement, mais aussi contre la fureur d’Hérode, il le mènera en Égypte, puis l’en fera revenir jusqu’à Nazareth (Mt 2,13-23). C’est à cette école de paternité divine que Joseph prendra soin également de sa famille. Dieu « porte » ainsi Joseph, comme un homme son enfant.

Il en est de même pour nous. Mais pour reconnaître cette paternité bienveillante de Dieu encore faut-il nous laisser porter. Autrement dit se reconnaître face à lui comme un enfant léger, fragile et fatigué … et cela est loin d’être aisé ni évident. Nous aimons « jouer » les adultes forts qui n’ont pas besoin d’aide parce qu’ils y arriveront “tout seul”, ou d’une autre manière… mais qui finissent toujours par chuter, crier, pleurer, s’affaler tel un charpentier aimant, brisé par le poids de la Loi, de la Justice et du déshonneur.

Joseph était un homme juste dit l’évangile selon Matthieu.  Nous retrouvons l’expression de l’homme juste que nous avions vu avec Abram (désert 5) et Jésus lui-même. Cette justice est déjà une réponse au questionnement de Joseph. Il est vrai que derrière ce terme, nous pouvons comprendre, celui qui est juste par sa probité et sa fidélité à la Loi. Mais « être juste » correspond surtout à une attitude « ajustée » à la volonté de Dieu. Cette volonté s’exprime ici dans l’accueil d’une parole qui révèle la filiation divine (par l’Esprit Saint) de Jésus et qui confie son autorité paternelle à Joseph : Tu l’appelleras. (antique et biblique rôle du père).

Anton Raphael Mengs, le songe de Joseph, 1774

L’homme juste

Joseph est un homme « juste » dans le sens où il fut capable d’abandonner son « honneur » de mari et père au sens strict du terme, pour faire la volonté du Seigneur. Joseph doit abandonner ses propres projets familiaux (être le vrai père) ou légaux (répudier mari) au profit d’un projet qui n’est pas le sien. À l’écoute de la Parole de Dieu, il se fait fils, enfant, avant d’être père. Ou plus exactement, Joseph accepte sa mission de père et de ne pas répudier Marie, parce qu’il s’est reconnu, très justement, fils du Père. D’un Père divin qui lui remet entre ses mains son propre Fils pour le Salut de son peuple. Joseph n’est pas juste un père adoptif, il devient dès lors, en accueillant la volonté de Dieu, un père juste et justifié, ajusté au Seigneur.

Cette figure de Dieu Père se comprend encore mieux lorsque nous écoutons Jésus en parler lui-même, à l’occasion de cette prière du «Notre Père qu’il nous a donné ou dans ses paraboles comme celle du père miséricordieux (Lc 15 ,11-32) ou des vignerons homicides (Mc 12,1-12).  De même, lorsque Jésus au cœur de sa Passion s’adresse en fois encore et toujours à lui (Lc 23); Père présent à cet amour livré, jusqu’au bout, et le relever au matin de Pâques. Son Père et notre Père qui nous porte, dans nos déserts, comme un homme porte son fils.

Bonne fête aux charpentiers et aux pères de famille, plus particulièrement aux charpentiers qui sont pères de famille, ainsi qu’à tous les Joseph, JosèphE, Joséphine, Josépha, Giuseppe, Osip, Josette, Josiane, Jo, Marie-Joseph, José, Josée, Josemaria, Louis-Joseph, Louis-Ferdinand-Joseph et autre Youssef … à demain


Les références

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