Dans cette série sur les déserts, je voulais raconter cette histoire peu connue. Ozias ou encore appelé Azarias dans le livre des rois (2R 14,21) fut un roi de Juda ayant vécu au VIII°s. avant notre ère. Son père était le roi Amasias qui régna quinze années sur le royaume de Juda, à Jérusalem. Celui-ci connut une fin tragique, assassiné suite à un complot (2Ch 25,27). C’est donc à l’âge de seize ans que son fils Ozias monta sur le trône.
Ozias construisit des tours dans le désert et creusa de nombreuses citernes, car il avait de nombreux troupeaux dans le Bas-Pays et sur le Plateau. Il avait aussi des cultivateurs et des vignerons, dans les montagnes et au Carmel, car il aimait la terre. (2Ch 26,10)
Dans le contexte politique qui entoure la mort de son père, le règne du jeune Ozias semble à priori voué aux difficultés, aux influences, aux conspirations et aux intrigues que suscite la jeunesse et donc la faiblesse d’un trône. Mais il n’en fut rien.
Sur le règne du roi Ozias le second livre des Rois est assez laconique, tout au plus neuf versets lui sont consacrés sur le début et sur la fin lépreuse de son règne (2R 14,21-22 et 2R 15,1-7). De ses actions le livre des rois souligne qu’il rebâtit Eilath, c’est à peu près tout. Le livre des Chroniques reprend quasi-textuellement ces informations :
Tout le peuple de Juda prit Ozias, âgé de seize ans, et le fit roi, à la place de son père Amasias. C’est lui qui rebâtit Eilath et la réintégra en Juda, après que le roi Amasias eut reposé avec ses pères. Ozias avait seize ans lorsqu’il devint roi, et il régna cinquante-deux ans à Jérusalem. Sa mère s’appelait Jékolie ; elle était de Jérusalem. 2Ch 26,1-3
Mais c’est à partir de ces éléments biographiques que le rédacteur du livre des Chroniques déploie une véritable histoire qui nous mènera jusqu’à la mort du roi
Un trône pour un jeune roi
Dans un premier temps, le livre souligne la foi du jeune roi. Il est droit envers Dieu et cherche à suivre ses lois et faire sa volonté, grâce à son guide et précepteur, un certain Zacharie qui n’a aucun lien avec le prophète du V°s.
[Ozias] fit ce qui est droit aux yeux du Seigneur, tout comme avait fait Amasias, son père. Il s’appliqua à rechercher Dieu tant que vécut Zacharie, qui avait l’intelligence des visions de Dieu ; et tout le temps qu’il rechercha le Seigneur, Dieu le fit réussir. 2Ch 26,4-5
Sa réussite le jeune roi le devra donc au Seigneur. Il règne sur son peuple et sur son territoire l’oreille tendue vers la volonté de Dieu. La foi d’Ozias est une foi en marche, en route qui recherche toujours à LE découvrir. Il cherche le Seigneur et toujours le chercha. C’est l’attitude même du vrai croyant. Et Dieu le fit réussir en raison de cette disposition, sans attendre qu’il l’ait trouvé. Ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent chantait aussi le psalmiste (Ps 21,27).
La réussite du roi
Et Dieu fit qu’Ozias connaisse le succès en matière de politique étrangère, en matière économique et militaire. Ce succès que Dieu lui donne est la garantie d’un pays en paix et prospère de manière durable. C’est ainsi qu’Ozias combat pour écarter les ennemis de Juda depuis l’ouest avec les Philistins jusqu’à l’Est avec les tribus trans-jordaniennes.
[Ozias] partit en guerre contre les Philistins, il démantela le rempart de Gath, le rempart de Yabné, le rempart d’Ashdod, et construisit des villes dans la région d’Ashdod et chez les Philistins. Dieu lui vint en aide contre les Philistins, contre les Arabes qui habitaient à Gour-Baal, et contre les Méounites. Les Ammonites payèrent tribut à Ozias, dont la renommée parvint jusqu’à l’entrée de l’Égypte, car il était devenu extrêmement puissant. 2Ch 26,6-9
Ce succès qui a fait sa renommée jusque dans la cour de la très grande Égypte, est aussi une réussite économique : le pays peut prospérer en troupeaux et en récoltes, dans la paix. L’intelligence du roi bâtisseur s’exprime depuis le nord, sur le plateau, jusqu’au désert, le Bas-Pays.
Ozias construisit des tours à Jérusalem, sur la porte de l’Angle, sur la porte de la Vallée, et sur le Contrefort ; et il les fortifia. Il construisit des tours dans le désert et creusa de nombreuses citernes, car il avait de nombreux troupeaux dans le Bas-Pays et sur le Plateau. Il avait aussi des cultivateurs et des vignerons, dans les montagnes et au Carmel, car il aimait la terre. 2Ch 26,10-11
Ozias tient à sécuriser et assurer cette abondance par une armée importante capable de défendre les frontières :
Ozias avait une armée entraînée, capable d’aller au combat, répartie par troupes selon le nombre des hommes recensés par Yéiël, le secrétaire, et Maasias, le scribe ; elle était sous l’autorité de Hananias, l’un des officiers du roi. Le nombre total des chefs de famille des vaillants guerriers était de deux mille six cents. Ils avaient sous leur autorité une armée de trois cent sept mille cinq cents hommes, d’une grande valeur au combat, pour aider le roi en face de l’ennemi. Ozias procura à toute cette armée des boucliers, des lances, des casques, des cuirasses, des arcs, et des frondes avec leurs pierres. Il fit également fabriquer à Jérusalem des engins conçus par un ingénieur, destinés à être placés sur les tours et aux angles, pour lancer des traits et de grosses pierres. Sa renommée se répandit au loin car il fut merveilleusement aidé, au point qu’il devint puissant. 2Ch 26,12-15
Bref, tout réussit au roi plein de foi, et cela durant plus de quarante années. Ozias œuvre en tous les domaines, et le rude désert, pâturage aride des troupeaux, semble désormais dompté. Les citernes se multiplient. Tout va pour le mieux dans le royaume de Juda dont la renommée va croissante de même que la puissance de son roi.
Mais car bien sûr il y a un « mais » … un jour tout bascula.
Le jour où tout a basculé
Mais lorsqu’il fut devenu puissant, son cœur s’enorgueillit jusqu’à le perdre, et il fut infidèle au Seigneur son Dieu. Il entra dans le temple du Seigneur pour brûler de l’encens sur l’autel de l’encens. Le prêtre Azarias entra après lui, avec quatre-vingts prêtres du Seigneur, des hommes courageux. Ils s’opposèrent au roi Ozias et lui dirent : « Ce n’est pas à toi, Ozias, de brûler de l’encens pour le Seigneur, mais aux prêtres, descendants d’Aaron, qui ont été consacrés pour brûler de l’encens. Sors du sanctuaire, car tu as été infidèle, et cela ne te vaudra pas la gloire qui vient du Seigneur Dieu. » Ozias, qui tenait à la main un encensoir pour brûler de l’encens, se mit en rage. Tandis qu’il était en rage contre les prêtres, la lèpre apparut sur son front, en leur présence, dans la Maison du Seigneur, devant l’autel de l’encens. Le grand prêtre Azarias et tous les prêtres se tournèrent vers lui, et voici que son front était couvert de lèpre ! En toute hâte ils l’expulsèrent, et lui-même se pressa de sortir, parce que le Seigneur l’avait frappé. 2Ch 26,16-20
Ozias s’enorgueillit de sa puissance. Inutile de commenter : nous connaissons cette disposition de l’homme à « prendre la grosse tête » lorsque tout lui réussit. Ozias a conquis les frontières, son armée fait sa renommée Il a dompté les déserts, mais il ne pourra conquérir le Temple. Il ne se prend pas pour Dieu mais pour l’un des prêtres, ce qui est peut-être pire. Le Temple est à l’image de la création où toute chose à une place, un ordonnancement, un espace dédié, l’un pour les prêtres, domaine du sacré, et l’autre pour les fidèles. Briser cette frontière, cette disposition du Temple, c’est mépriser la volonté de Dieu et sa création et profaner le culte. Son acte bien que religieux n’est pas de sa compétence, de son espace. A chacun son rôle, sa place. Or ce n’est pas tant cet acte-là qui fit que Ozias devint lépreux, mais – c’est ce que souligne le texte – sa colère. Il fait entrer dans le Temple non pas une offrande d’encens, une offrande apaisante, mais la colère, la rage, l’expression de sa volonté de nuire et de contredire le dessein de Dieu.
La lèpre le marquera à jamais : il ne pourra plus pénétrer dans le Temple, et devra – comme la loi l’exige – vivre à l’écart. C’est son fils Yotam qui prendra les rênes du pouvoir. Ozias mourra dix ans plus tard.
Le roi Ozias fut lépreux jusqu’au jour de sa mort, et il habita, lépreux, dans une maison à l’écart ; en effet, il était exclu de la Maison du Seigneur. Son fils Yotam, maître du palais du roi, gouvernait les gens du pays. Le reste des actions d’Ozias, des premières aux dernières, le prophète Isaïe, fils d’Amots, les a écrites. Ozias reposa avec ses pères, et on l’ensevelit avec eux dans le champ de la sépulture des rois, car on disait : « Il est lépreux ! » Son fils Yotam régna à sa place. 2Ch 26,16-20
Ozias ne devait sa réussite à qu’à sa foi humble, comme au temps de sa jeunesse. Il a oublié que les bienfaits de Dieu ne lui étaient pas destinés en premier mais à son peuple dont il n’est que serviteur. Ozias creusa des tours dans le désert, mais ses tours devinrent orgueil que le désert abattit.
Les références
- Les aventuriers de l’arche perdue, film de Steven Spielberg (1981), avec Harrisson Ford, Karen Allen et Denholm Elliott
- La série « 40 déserts » sur https://www.aularge.eu/blog/40-deserts-2/
- Ozias raconté en 2Ch 26 : https://www.aelf.org/bible/2Ch/26
- Ozias dans le livre des rois : 2R 14,20-21 ; 2R 15,1-7.