Désert 16 – Moïse mena le troupeau au-delà du désert (Ex 3)

Notre seizième désert est aujourd’hui celui de Moïse lors l’épisode du buisson ardent (Ex 3,1…15), lecture que nous entendrons demain dimanche.

Charlton Heston dans Les dix commandements de Cecil B. DeMille, 1956

Moïse berger et la route du désert

En ces jours-là, Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. (Ex 3,1)

Ainsi commence ce récit du buisson ardent que nous connaissons tous au moins dans la version hollywoodienne de Cecil B. DeMille Les dix commandements. Mais le film ne fait nullement mention de cette pérégrination de Moïse qui mène son troupeau au-delà du désert. Pourtant ce détail dit déjà le nécessaire pèlerinage avant sa rencontre avec le Seigneur. Moïse mène son troupeau à travers le désert avant d’arriver à l’Horeb, comme il le fera avec son peuple après la sortie d’Égypte. Rencontrer Dieu suppose ce chemin du désert que nous avons évoqué à travers diverses topographies bibliques : épreuves, tentations, détresses, soif mais aussi espérance et joie … Un vrai chemin de vie. Dieu ne se manifeste pas ex abrupto, il se laisse rencontrer sur nos routes quotidiennes et familières. Il lui arrive même de faire en sorte que nous sortions de nos chemins pour emprunter une voie encore inexplorée.

L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? » Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » (Ex 3,2-5)

Dieu appelle Moïse. Lui, l’enfant Hébreu devenu Égyptien de la cour de Pharaon… L’homme de la cour devenu meurtrier… Le meurtrier devenu fugitif… Le fugitif devenu berger Madianite. Cherchez parmi ces portraits et les récits qui y sont associés, le religieux, l’homme pieux ou le simple croyant vous ne trouverez pas. Cherchez aussi ses mérites, peut-être en trouverez-vous, pas si sûr…  Et pourtant Dieu choisit cet Hébreu sans foi, cet Égyptien hors-la-loi, ce berger sans terre et époux d’une Madianite, pour devenir le guide et prophète d’une mission quasi-impossible : faire sortir les fils d’Israël de la servitude de Pharaon.

Délier

Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. Le Seigneur dit : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel. Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. » (Ex 3,2…10)

Quand Moïse voit le miraculeux et divin buisson ardent – qu’on a déjà oublié – Dieu a vu la misère de son peuple. Mais voir ne suffit pas. Comme Moïse entend la voix de Dieu, Dieu a entendu les cris de son peuple. Mais entendre ne suffit pas. Et à l’image de Moïse déliant ses sandales, Dieu souhaite délier son peuple de la servitude. Dieu n’est pas le buisson ardent, ni la voix d’un ange. Il est celui qui s’investit dans cette pâte humaine qu’il a créée. Il n’est pas une divinité assise là-haut, aveugle, sourde et indifférente. Il est le Dieu qui descend pour son peuple, le Dieu qui s’abaisse pour le délier et le conduire. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel.

Sébastien Bourdon, Le buisson ardent, 17°s.

Ce nom qui n’en est pas un

Moïse répondit à Dieu : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : ‘Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.’ Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis’. » Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob’. C’est là mon nom pour toujours, c’est par lui que vous ferez mémoire de moi, d’âge en d’âge. » (Ex 3,11-15)

Ce Dieu qui se révèle à Moïse n’a pas de nom. Ou plutôt son nom n’en est pas un. Car donner un nom c’est déjà mettre la main sur une personne, le circonscrire dans une identité précise. Or le Seigneur dépasse tout ce que nous pourrions savoir de lui ; il est l’insaisissable. Ce nom, qui n’en pas un, donné à Moïse, est « Je suis qui je suis » qu’on peut traduire aussi par « Je suis qui je serai » ou « Je serai qui je suis »… Présent et futur se mêlent ; Je-suis-et-Je-serai tel est son message. Certes il est le Dieu associé au passé glorieux d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Mais il ne peut, ni ne veut être réduit à ce seul passé. Il est le Dieu qui nous dit « Je suis » s’investissant dans le présent de son peuple. Comme il est aussi ce Dieu d’Alliance qui ouvre pour son peuple un avenir fait de lait et de miel. Ce nom qui n’en est pas un révélé à Moïse est son étendard et sa signature en faveur de son peuple : « Je suis-et-je serai avec toi; je ne te délaisserai pas, je ne t’abandonnerai pas. » (Jos 1,5).

Le Seigneur dit « Je » avant de dire « Tu ». Il donne à voir en premier son amour et sa fidélité, avant de nous faire entendre ses commandements, ce Tu aimeras nécessaire pour nous délier de nos servitudes.


Les références (podcast)

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