Désert 17 – Annonciation – Qui donc est celle-ci qui monte du désert ? (Ct 8)

Qui donc est celle-ci qui monte du désert, appuyée sur son bien-aimé ? Ct 8,5 : Ce verset du Cantique des Cantiques veut relier notre série de désert à la fête de ce jour.

Aucun des textes liturgiques n’évoque le désert. Mais il y est question de venues. La venue d’un enfant nommé Emmanuel Dieu-avec-nous pour Isaïe (Is 7), « Voici je viens » dit le Seigneur dans le psaume 39, repris lui-même dans la lettre aux Hébreux (He 10), et puis il y a la venue et les annonces entendues dans l’Évangile (Lc 1).  Alors notre verset tiré du Cantique des Cantiques n’est pas si hors-sujet que cela.

Cantique des cantiques

Qui donc est celle-ci qui monte du désert, appuyée sur son bien-aimé ?

Le livre du Cantique des cantiques, écrit après l’exil à Babylone, est un chant d’amour, poétique, à propos d’amants qui se cherchent et se rencontrent en dépit des obstacles et de leurs familles (en résumé).  Le chapitre 8 d’où est extrait ce verset constitue le dénouement de l’intrigue poétique, les amants sont désormais unis à jamais :

CHŒUR : Qui donc est celle-ci qui monte du désert, appuyée sur son bien-aimé ?
LUI : Sous le pommier, je t’éveille, là où ta mère t’a enfantée ; là, elle t’a enfantée et mise au monde.

ELLE : Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras.
CHŒUR : Car l’amour est fort comme la Mort, la passion, implacable comme l’Abîme : ses flammes sont des flammes de feu, fournaise divine.
Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour, ni les fleuves l’emporter. Ct 8,5-7.

Ce chant d’amour suprême a été interprété comme l’attachement de Dieu envers son peuple Israël dans les traditions juives ou du Christ envers son Église dans la tradition chrétienne.

David Roberts, Nazareth en Terre Sainte, 1842

Qui monte du désert ?

Qui donc est celle-ci qui monte du désert ?La question souligne plus l’incongruité d’une telle venue plus que l’identité de celle qui arrive et qui nous a été donnée à connaître durant les sept chapitres précédents. Elle monte du désert… Elle vient de là comme le peuple autrefois s’avançant vers sa terre promise. Elle vient de là où on ne l’attend pas. Le récit de l’Annonciation pointe également l’inattendu de la venue annoncée du Christ.

En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu
dans une ville de Galilée, appelée Nazareth,
(Lc 1,26)

Nazareth, n’est pas un désert, mais ce n’est pas non plus la ville des plus glorieuses d’Israël. Ce n’est pas Jérusalem, la ville de David. Son nom n’est mentionné dans aucun texte de l’ancien Testament. Il ne s’y est rien passé, et que pourrait-il s’y passer. De Nazareth que peut-il sortir de bon ? dira Nathanaël en Jn 1,46 ? Nazareth est un petit village de cette Galilée où se côtoient non sans mal, les juifs pieux, parfois en révolte contre Rome, mais aussi d’autres moins pieux et plus enclin à travailler avec ces villes gréco-romaines de Tibériade à Césarée de Philippe… Galilée des Nations dira le livre des Martyrs d’Israël (1M 5,15) repris par Matthieu (Mt 4,15). Et ce petit bourg de Nazareth, loin de la pieuse Judée, ne peut même pas se targuer d’être un lieu réputé pour son activité économique, elle n’est pas cette maison-de-la-pêche nommée Bethsaïde.

Qui est celle-ci  ?

Marie n’est pas une fille du désert… mais ce n’est pas non plus une fille issue d’un milieu royal ni du monde cultuel des prêtres et des lévites comme Zacharie (Lc 1,5). Elle n’est qu’une jeune fille vierge, comme beaucoup d’autres de son village, promise à un certain Joseph de la lignée de David. Un descendant royal certes mais Galiléen provincial et simple charpentier, un artisan de condition moyenne. Marie n’est pas même assez pauvre pour attirer notre attention. Nous sommes dans un lieu ordinaire, avec une jeune fille ordinaire. Au désert de lieu réputé s’ajoute un désert de héros digne de ce nom.

Antonello de Messine, Vierge de l'Annociation, 1475

L’ange entra chez elle

L’ange entra chez elle et dit :« Je te salue, Comblée-de-grâce, (Lc 1,28)

Pas de grande lumière, ni de tonnerre, … pas d’apparition soudaine. Un ange entre avec la même banalité que n’importe quel quidam. Il entre comme s’il passait simplement la porte, désert de merveilleux. Envoyé divin, seul son message compte. Avec Gabriel, Dieu vient à la rencontre de son peuple. Il annonce une venue tout aussi inattendue. Qui est celui-ci qui monte du désert ? pourrions-dire. Il vient combler l’attente de tout un peuple, il vient pour sceller à jamais une Alliance en son propre fils qu’il livre aux mains des hommes :

Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin.  (Lc 1,31-33)  …. il sera appelé Fils de Dieu (1,35).

Avec l’exagération propre aux anges méditerranéens, Gabriel annonce l’avènement d’un Roi. Il nous faudra attendre “simplement” sa passion, son intronisation sur la croix et sa couronne d’épines pour le contempler. Car ce roi qui est avant tout ce Fils qu’il nous envoie.

Selon ta parole

Dans ce Nazareth Galiléen et banal, dans le cœur d’une banale jeune fille, jaillit une parole de Foi : Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole (Lc 1,38). Elle, la mère d’un futur roi, elle qui portera ce Fils du Dieu Très-Haut, semble avoir compris l’abaissement nécessaire pour cette rencontre inattendue, pour cette alliance inouïe. Elle est et demeure une servante qui accueille une parole créatrice, une grâce infinie, l’empreinte de la volonté de Dieu.

Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras comme le chantait le cantique des cantiques.


Les citations et références sonores (podcast)

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