C’est le silence du Samedi Saint qui s’impose à nous jusqu’à la tombée de la nuit. Aucun évangile ne raconte la vie des disciples durant ce sabbat, au lendemain de la mort de Jésus excepté Luc qui souligne sobrement que durant le sabbat, les femmes observèrent le repos prescrit (Lc 23,59).
On pourrait ainsi dire que même les évangélistes respectèrent ce sabbat, comme nous-mêmes aujourd’hui. Ce jour consacré à Dieu, ce jour de repos et d’inactivité doit aussi nous ouvrir à ce Dieu créateur et sauveur. Accepter de ne rien faire pour laisser le Seigneur agir. Le Samedi Saint n’est pas le silence de la mort et du deuil, c’est le silence de la foi qui sait se taire.
Dans ce silence du Samedi Saint, tout est remis dans les mains de Dieu : la mort du Fils, les pleurs des femmes, les reniements des disciples, la violence des bourreaux. Tout est silence, désert de vie, désert de voix… excepté peut-être cette lueur d’espérance qu’évoquait le prophète Isaïe
Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides. Les bêtes sauvages me rendront gloire – les chacals et les autruches – parce que j’aurai fait couler de l’eau dans le désert, des fleuves dans les lieux arides, pour désaltérer mon peuple, celui que j’ai choisi. Ce peuple que je me suis façonné redira ma louange. Is 43,19-21.
Isaïe tel un guetteur au désert (Is 21 – Désert 29) perçoit ce fleuve submerger nos déserts arides, il hume ce parfum de réconciliation entre les chacals et les autruches, entre les proies et les victimes. Isaïe et les prophètes entendent déjà au loin cette louange des peuples. Ce silence du sabbat nous permet déjà de le percevoir, comme au loin.
Dans ce silence du Samedi Saint, le Seigneur seul agit. Un chemin s’ouvrira dans nos déserts, chemin pavé de ces quarante jours passés en compagnie de ces germes d’espérance depuis l’Eden jusqu’aux sources d’eaux chaudes d’Ana, depuis l’acacia et le cèdre jusqu’aux raisins trouvés au désert, depuis les récriminations du peuple jusqu’à la reconquête de l’épouse aimée… germes d’une nouveauté qui, au sein de l’histoire du Salut, esquissent un chemin inattendu, plein de vie, qu’ouvriront les pas silencieux des femmes au matin de Pâques. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ?
Ces quarante jours n’auront certes pas suffi à nous convertir, à nous façonner de manière parfaite, parce qu’en ces quarante jours nous avons plus appris de nos failles et de nos faiblesses que de nos prétendues réussites spirituelles et humaines. Et cela est heureux. En ces quarante jours, nous avons découvert humblement, et sans doute encore partiellement, la grandeur de l’amour de Celui qui nous a nourri, abreuvé et réconcilié en ces déserts parfois bien surprenant. Et comme un écho lointain nous nous souvenons qu’à chaque pas, sans cesse il murmurait à nos oreilles : Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ?
LES CITATIONS ET RÉFÉRENCES SONORES (PODCAST)
- Isaïe 43 : https://www.aelf.org/bible/Is/43
- Textes liturgiques de la Veillée Pascale : https://www.aelf.org/2022-04-16/romain/messe
- Retrouvez le texte de cette publication et les autres « 40 déserts » sur https://www.aularge.eu/blog/40-deserts-2/