Évangile du dimanche 27 octobre Dédicace des églises (France)
Le texte de l’évangile est celui qui sera proclamé dimanche 27 octobre à l’occasion de la solennité de la dédicace des églises notamment pour l’Église catholique en France. L’évangile de Luc pour le 30° dimanche ordinaire (pour les autres pays) a été commenté dans l’article précédent. Je sais : c’est plus compliqué que la simple profession de foi de Pierre… quoique !
Au dire des gens
En ce temps-là, Jésus, arrivé dans la région de Césarée-de-Philippe, demandait à ses disciples : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » Ils répondirent : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. »
La question de Jésus porte sur la figure du Fils de l’homme. Celle-ci fait référence à cet envoyé de Dieu venant pour juger le monde et asseoir l’autorité divine sur la terre comme le laisse entendre le livre du prophète Daniel :
Dn 7 13 Je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. 14 Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite.
Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? La question est ambiguë car elle ne fait pas explicitement le lien entre Jésus et cet envoyé de Dieu. Ainsi au dire des gens, le Fils de l’homme représente une figure prophétique. Depuis Jean le baptiste, à un retour d’Élie, ou à une figure prophétique comme Jérémie. Or ces personnages défunts nous renvoient à un passé sans doute idéalisé.
Des prophètes morts ?
Il a de l’ironie dans ce passage. Car les trois prophètes cités furent méprisés par les rois, les notables. Ainsi Élie dû fuir la reine impie Jézabel (1R19). Jérémie provoqua la colère du roi Sédécias et fut jeté dans une citerne (Jr 38). Quant à Jean le baptiste, il fut décapité par Hérode (Lc 9,9). Voilà trois prophètes qui ne purent mener leur mission à bien (de leur vivant). Bref, on aurait pu choisir plus glorieux comme attente du Fils de l’homme. Ainsi habillé, pourra-t-il encore accomplir le dessein de Dieu sans subir l’échec ? L’évocation de ces prophètes suggèrerait-elle que Dieu a moins de pouvoir que les puissants de ce monde ? Bien évidemment à travers ces prophètes méprisés par les rois et autres notables, le récit désigne déjà l’horizon de la croix et de son salut.
Pour vous qui suis-je ?
Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Alors Simon-Pierre prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »
Par cette seconde interrogation Jésus semble se désigner comme ce Fils de l’homme attendu (et méprisé). En effet à la question sur l’identité du Fils de l’homme succède, en parallèle et de manière synonyme, celle sur l’identité de Jésus.
C’est ainsi que la profession de foi de Pierre ne laisse place à aucun doute : il reconnaît en Jésus le Messie et le juge des temps derniers. A l’opposé des gens, qui faisaient référence à des prophètes d’autrefois et morts, Simon-Pierre oriente sa réponse vers la Vie éternelle. Tu es le Fils du Dieu Vivant. Pour Simon-Pierre, Jésus n’est pas un prophète redivivus ni un prophète supplémentaire destiné à la contradiction et à l’échec. Il désigne Jésus tel le fils divin, promesse d’une victoire assurée. Mais si Pierre espère en l’avènement du Règne de Dieu par le Christ Jésus, saura-t-il accueillir le vrai destin de son Messie ?
Heureux es-tu Simon !
Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
Heureux es-tu ! Jésus souligne la pertinence de la réponse de Pierre. La foi de ce dernier ne vient pas d’un savoir, d’une accumulation de connaissances et de sagesses, mais de la fréquentation de celui qui l’a appelé à le suivre. Ainbsi, Simon est aussi désigné comme un fils, le fils de Yonas. Mais à qui fait référence ce Yonas ? Pourquoi Jésus le nomme-t-il ainsi à ce moment même : fils de Yonas (Bar Iona Βαριωνᾶ) ? Les explications sont diverses mais non pas divergentes.
Fils de Yonas
Bien sûr, le nom de Yonas peut faire référence au père même de Simon … que l’évangile de Jean nomme Jean (Ioannes Ἰωάννης Jn 21,15). Les deux noms sont différents mais approchant. En faisant référence à son père, Jésus insiste sur sa condition dans laquelle Simon a été appelé : un pêcheur du lac de Galilée qui a répondu à l’appel.
La foi en Jésus Christ et Fils du Dieu vivant naît de cette écoute et de cette proximité avec le Seigneur sur ce chemin d’évangile. C’est de cette intimité et de cette amitié que jaillit la foi de l’humble galiléen.
Mais la référence à Yonas peut aussi évoquer le prophète Jonas qui fut plutôt retors au dessein de Dieu (Jon 1-4). Jonas est celui qui a fui la Parole …. comme le fera Pierre lors du reniement. Ainsi Jésus révèle, subtilement, la difficulté à suivre jusqu’au bout ce Fils de Dieu.
Une autre interprétation associe Yonas à la colombe, qui se dit Iona en hébreu. Une référence qui nous rappelle l’irruption de l’Esprit lors du baptême au Jourdain (Lc 3,22). Or l’Esprit Saint manifeste la volonté et la présence du Père qui est aux Cieux. Jésus invite donc Pierre à s’appuyer sur le projet de Dieu et ne pas rester à vue humaine, selon la chair et le sang. Car c’est du projet inattendu de Dieu que surgit la vraie Vie et le Salut.
Je bâtirai mon Église
Quoiqu’il en soit, c’est en sa qualité de fils que Pierre fait profession de foi. Simon devient pierre telle une nouvelle naissance, et avec lui la naissance de l’Église. La solidité de sa foi s’appuie avant tout sur celui qu’il côtoie : Tu es Christ, le fils du Dieu vivant… C’est dans cet attachement, qui devra passer l’épreuve de la croix du Seigneur, que Simon devient Pierre et qu’il pourra renaître à une vie nouvelle.
De même, cette Église, dont le terme signifie assemblée, naît de la même foi. Ainsi l’assemblée des disciples prend sens dans cette même communion dans la foi. Celle-ci doit suivre le même chemin que Pierre : se reconnaître humble fils de Yonas, à l’écoute du dessein inattendu de Dieu et suivre son Seigneur parfois imparfaitement.
Tout est lié
Cette foi en Christ implique bien des responsabilités comme l’évoque Jésus à son disciple. La remise des clefs du Royaume, est d’abord un abandon. Jésus, LE fils de l’homme, LE Christ, LE Fils du Dieu Vivant, Celui qui a, de fait, toute autorité pour juger le monde, abandonne une part de son pouvoir entre les mains d’un disciple et de son Église. Cet abandon et ce don sont la marque même du Jugement du Christ qui se livre jusqu’au bout. Don et abandon sont un même mouvement lors de la Passion chez Matthieu où Jésus se donne et abandonne tout pouvoir pour révéler le salut du Père.
Mt 26 53 Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges. 54 Mais alors, comment s’accompliraient les Écritures selon lesquelles il faut qu’il en soit ainsi ?
Ainsi, le pouvoir de lier ou de délier trouve pleinement son sens à l’aune de la croix. Car les clefs du Royaume ouvre d’abord sur un mystère de pardon et de miséricorde.
sur toi je bâtirai mon église, Jésus ne dit pas à pierre (petros) ou pierre mobile qu’il va bâtir son église sur lui, mais plutôt sur pierre (petra) rocher qui est christ lui même, dont les portes du séjour de mort ne prévaudront point contre elle
sur toi je bâtirai mon église, Jésus ne dit pas à pierre (petros) ou pierre mobile qu’il va bâtir son église sur lui, mais sur pierre (petra) rocher qui est christ lui même,