Fête de la présentation du Seigneur au Temple
Lc 2,22-40
La liturgie nous oblige à une (sainte) parenthèse avec la fête de la Présentation du Seigneur au Temple, plus connue sous le nom de ‘chandeleur’ et célébrée tous les 2 février. Après ce dimanche, je posterai quand même le commentaire prévu pour le 4ème dimanche ordinaire (Mt 5,1-12a). Il serait dommage, en effet, d’ignorer le début du discours de Jésus sur la montagne, que nous allons entendre durant plusieurs dimanches. Mais revenons à nos crêpes…
Le texte de la présentation de Jésus au Temple est propre à l’évangile selon Luc et fait suite à la naissance de Jésus. Ce récit est organisé suivant les personnages, et met en avant la parole de Syméon, encadrée par la description de ce dernier et celle d’Anne la prophétesse. Jésus et ses parents introduisant et concluant ce passage.
Les parents
Lc 2, 22 Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, 23 selon ce qui est écrit dans la Loi : Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur. 24 Ils venaient aussi offrir le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : un couple de tourterelles ou deux petites colombes.
L’évangéliste fait ici référence aux préceptes de la Loi de Moïse lus dans le livre du Lévitique (Lv 12) pour la mention de la purification de la mère et dans le livre de l’Exode (Ex 13,1-3) pour la consécration du premier-né. Luc inscrit donc l’attitude des parents de Jésus dans une grande fidélité à la Loi et à la foi d’Israël. Une foi vive pour un couple modeste comme le suggère leur maigre offrande requis par la loi : Si la mère ne trouve pas une somme suffisante pour une tête de petit bétail, elle prendra deux tourterelles ou deux jeunes pigeons, l’un pour l’holocauste et l’autre pour le sacrifice pour la faute.
Luc insiste et insistera jusque dans son second tome ‘les Actes des Apôtres’ sur cette appartenance du Christ et du christianisme à la sphère du Judaïsme. Chez Luc, ni Jésus, ni ses parents, ni ses disciples ne seront en rupture avec la synagogue, même rejetés.
Mais cette mention de l’obéissance des parents de Jésus à la Loi ne se limite pas à décrire leur fidélité à l’Alliance. Les deux préceptes de la Loi qui sont ici cités (Lv 12 et Ex 13) sont tous deux en rapport avec une délivrance. Le premier rétablissait la mère en mettant fin à l’état d’impureté contracté lors accouchement (tout écoulement corporel, lié à la vie, – sang, liquide amniotique – rendait provisoirement impurs). Le second, la consécration du premier-né, est lié à la sortie d’Égypte et à l’entrée en Canaan : chez les hommes, tout fils premier-né, tu le rachèteras. Alors, demain, quand ton fils te demandera : “Que fais-tu là ?”, tu lui répondras : “C’est par la force de sa main que le Seigneur nous a fait sortir d’Égypte, la maison d’esclavage.
La présentation au Temple est ainsi mise sous le double signe de la délivrance comme pour déjà anticiper la mission de Jésus venant libérer les personnes et son peuple. C’est justement à cette délivrance (non-rituelle) que fera référence explicitement Syméon.
Syméon
Lc 2, 25 Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon. C’était un homme juste et religieux, qui attendait la Consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était sur lui. 26 Il avait reçu de l’Esprit Saint l’annonce qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ, le Messie du Seigneur.27 Sous l’action de l’Esprit, Syméon vint au Temple. Au moment où les parents présentaient l’enfant Jésus pour se conformer au rite de la Loi qui le concernait, 28 Syméon reçut l’enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant :
Syméon représente à lui seul l’attente messianique de son peuple. Une attente qui n’est pas seulement un désir de voir venir des jours meilleurs libérés de toute oppression, mais une attente synonyme d’Espérance : celle de la venue du Messie de Dieu pour relever son peuple. Syméon est décrit comme un homme sage et pieux, rempli d’Esprit Saint – dont Luc fait ici mention trois fois. L’Esprit du Seigneur exprime son lien intime avec Dieu, à l’image des prophètes d’autres fois. Syméon est un homme que Dieu guide. Ses paroles ne seront donc pas élucubrations mais prophétiques.
La bénédiction
Lc 2, 28 Syméon reçut l’enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant : 29 « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. 30 Car mes yeux ont vu le salut 31 que tu préparais à la face des peuples : 32 lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. »33 Le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qui était dit de lui. 34 Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction 35 – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. »
Syméon s’exprime en deux temps. Le premier est une louange à Dieu à propos de l’enfant. La promesse du Seigneur s’accomplit : il reconnaît, dans l’Esprit, en cet enfant fragile, le Salut de son peuple et la lumière des Nations. Le terme ‘salut’ constitue dans l’évangile de Luc, le deuxième témoignage à propos de la messianité de Jésus et sa mission. Il vient confirmer la parole angélique « il vous est né un Sauveur » (Lc 2,11), faite aux bergers à Bethléem. Ici, c’est le Temple de Jérusalem qui est le cadre de ce nouveau témoignage.
Et ce salut est aussi débordant que la parole de Dieu, il rejaillit jusque sur les nations païennes. Syméon désigne ainsi la mission universelle de ce Christ naissant, comme l’annonçait la parole du prophète Isaïe: C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. (Is 49,6)
Mais cet avènement divin n’est pas pour autant synonyme de victoire aisée. Dans son adresse à Marie, Syméon souligne combien l’avènement de ce Christ suscitera aussi le rejet et la souffrance. Avec ses paroles, c’est la croix qui déjà pointe à l’horizon.
Anne
Lc 2, 36 Il y avait aussi une femme prophète, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était très avancée en âge ; après sept ans de mariage, 37 demeurée veuve, elle était arrivée à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne s’éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. 38 Survenant à cette heure même, elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.
Comme pour donner un juste équilibre, Luc place en vis-à-vis, une prophétesse de la tribu d’Aser : un vocabulaire très vétéro-testamentaire. Anne et ses 84 ans (12×7 chiffre d’accomplissement) représentent toute la joie de son peuple. Dans le livre de la Genèse l’ancêtre éponyme de la tribu d’Aser est liée à cette joie de la naissance : Léa dit : « Quel bonheur pour moi ! Les filles me proclament bienheureuse ! » Et elle appela l’enfant Asher.-(Gn 30,13). Et le jeûne et la prière sont maintenant louanges et témoignages. … comme le seront l’annonce de la Résurrection. L’Espérance a pris chair dans un enfant. Anne sert maintenant Dieu en annonçant le salut qu’apporte l’enfant.
L’enfant
Lc 2, 39 Lorsqu’ils eurent achevé tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. 40 L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.
Si nous quittons le Temple pour l’humble village de Nazareth, Dieu demeure présent. Présent à ce fils qui nous a été présenté comme Sauveur et Lumière. Et ce lumineux salut divin ne serait rien sans ce don, cette grâce aimante qui l’habite.