Croix glorieuse Jn 3 ,13-17 (14 sept)
4ème dim. de carême (B) Jn 3,14-21
Trinité (A )Jn 3,16-18
La rencontre avec Nicodème (Jn 3,1-12) a mis en avant la personne même du Christ qui, par sa parole, offre une nouvelle naissance au croyant, le faisant entrer dans le Royaume. Mais la venue de l’envoyé de Dieu ne s’impose pas d’emblée, y compris (et surtout) au temps de la communauté johannique. La croix reste un point d’achoppement : comment un messie de Dieu, donc protégé par Dieu, peut-il mourir ignoblement sur une croix ? C’est à cela que veut répondre le discours de Jésus qui va suivre.
Pour mieux comprendre ces versets, il est bon de prendre connaissance des précédents.
Ce discours suit deux parties. La première (v.13-17) reprend le dessein divin en évoquant le mystère de la croix que le biblique serpent de bronze préfigurait. La seconde partie (v. 18-21) insiste sur les effets salvifiques de cette venue du Fils jusque dans l’offrande de sa vie.
Dieu a envoyé son Fils (3,13-17)
Jn 3, 13 Car nul n’est mont au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. 14 De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, 15 afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. 16 Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. 17 Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Il faut que le Fils de l’homme soit élevé
Le dialogue avec Nicodème avait soulevé le rejet du témoignage à l’égard de Jésus et de sa mission. La personne du Christ est désignée comme le cœur même de la révélation sous les traits du Fils de l’homme, figure des temps derniers. Ce Fils de l’homme n’est pas pour autant le juge terrifiant de la littérature apocalyptique, venant depuis le ciel et accompagné d’une armée céleste (Jn 1,51 ; Dn 7,13 ). Car ce Fils de l’homme est avant tout le fils unique de Dieu, et le jugement du monde attendu a désormais pour critère l’amour de Dieu et sa volonté de salut, par la seule foi à ce Fils unique donné.
Aucune activité humaine, si pieuse et charitable soit-elle, n’a permis d’obtenir cette vie de communion éternelle avec Dieu que tout croyant juif cherche. Cette vie éternelle n’est pas seulement à situer dans au-delà mais dans le présent de la vie du croyant. Ce don de la vie éternelle permet à ce dernier de vivre éternellement du bonheur que Dieu donne. Or cette vie est désormais offerte par celui qui est descendu du ciel (Jn 1,1-18). Pour l’évangéliste, seule la personne de ce divin fils ouvre à la révélation de l’amour du Père. Et cette mission passe l’événement de la croix.
L’évangéliste n’en dit rien de manière explicite. L’élévation du Fils peut aussi exprimer son retour vers le Père. Mais au cours de l’évangile, cette élévation, et plus loin cette glorification, sera de plus en plus associée à la croix du Golgotha. La référence au serpent de bronze, au temps Moïse, s’inscrit, elle aussi, dans un contexte de rejet et de non-foi. Il s’agit bien d’élever un poteau pour sauver ce peuple rétif.
Le serpent de bronze
Nb 21 5 Le peuple se mit à critiquer Dieu et Moïse: «Pourquoi nous avez-vous fait monter d’Égypte? Pour que nous mourions dans le désert! Car il n’y a ici ni pain ni eau et nous sommes dégoûtés de ce pain de misère!» 6 Alors le Seigneur envoya contre le peuple des serpents brûlants qui le mordirent, et il mourut un grand nombre de gens en Israël. 7 Le peuple vint trouver Moïse en disant: «Nous avons péché en critiquant le Seigneur et en te critiquant; intercède auprès du Seigneur pour qu’il éloigne de nous les serpents!» Moïse intercéda pour le peuple, 8 et le Seigneur lui dit: «Fais faire un serpent brûlant et fixe-le à une hampe: quiconque aura été mordu et le regardera aura la vie sauve.» 9 Moïse fit un serpent d’airain et le fixa à une hampe et lorsqu’un serpent mordait un homme, celui-ci regardait le serpent d’airain et il avait la vie sauve.
Telle une parabole, ce récit exprime le dessein de salut de Dieu. Celui-ci a sauvé son peuple de la servitude de pharaon et de la mort (Ex 14). Cependant, le chemin de salut n’est pas une route pavée de fleurs, au milieu des champs de blé. La route est inattendue et la confiance en Moïse et son Dieu fait place à la révolte qui les mènera vers la mort. Les serpents brûlants représentent tout autant le jugement de Dieu que la conséquence de leur révolte. Le récit souhaite montrer que le salut vient uniquement de Dieu. Ce qu’illustrera aussi le livre de la sagesse : le regard sur le serpent de bronze devient, dès lors, un acte de foi au dessein étonnant de salut de Dieu.
Sg 16, 6 En guise d’avertissement ils furent effrayés quelque temps, tout en ayant un gage de salut qui leur rappelait le commandement de ta Loi. 7 En effet, quiconque se retournait était sauvé, non par l’objet regardé, mais par toi, le Sauveur de tous. 8 Et ainsi tu as prouvé à nos ennemis que c’est toi qui délivres de tout mal.
La croix et le salut
L’objet regardé, ce serpent de bronze fixé sur une hampe et élevé, préfigure le mystère de la Passion et de la croix. Le véritable lieu de Salut est désormais le Fils unique de Dieu. La croix n’est pas désignée dans un aspect sacrificiel. Elle est présentée comme le lieu de contemplation et de révélation de l’amour salvifique de Dieu. Croire au Fils, c’est aussi croire au Crucifié dans lequel Dieu manifeste son dessein d’amour et de Salut. Mais en quoi la mort du Fils, est-elle le lieu d’élévation pour le don de la vie éternelle ?
Pour le Salut du monde
Le salut est décrit, non pas en termes d’effort du croyant pour y accéder, mais comme un don et une initiative de Dieu en son Fils. Comme le Fils de l’homme a fait place au Fils unique, le jugement fait place au dessein de salut, ancré dans l’amour de Dieu pour le monde. Si au temps de Moïse, le serpent de bronze servait de sanction au rejet du peuple, la croix, désormais élevée et signe de l’amour de Dieu, précède ou supplante tout procès et jugement. Et s’il y a jugement et condamnation, ils proviennent du cœur des hommes s’opposant sciemment à cette révélation, à ce fils désigné au prologue comme celui en qui était la vie et la vie était la lumière des hommes (Jn 1,4).
La lumière est venue dans le monde (3,18-21)
3, 18 Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. 19 Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. 20 Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; 21 mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »
Le jugement contre l’union avec Dieu
Le combat entre la lumière et les ténèbres est connu de la littérature juive. Il désigne généralement l’opposition entre les purs et fidèles du Seigneur et les Nations. L’avènement du Jugement de Dieu préserve ceux qui se situent du côté de la lumière divine. Mais ici, l’évangéliste renverse ce schéma habituel. Le jugement n’est pas le fait de Dieu mais exprime le refus de ceux qui préfèrent les ténèbres à la lumière. Autrement dit, le rejet, par des ‘croyants’ d’accueillir le salut en Jésus-Christ jusqu’en sa croix, constitue un refus de la grâce de Dieu. Les œuvres mauvaises n’indiquent pas une mauvaise attitude morale, mais l’excès de confiance à œuvrer à son propre salut.
L’évangéliste redéfinit la notion de jugement eschatologique. Celui-ci n’est pas renvoyé à un temps ultérieur mais correspond l’envoi du Fils dans le monde. Sa venue interroge le présent du croyant qui est invité à prendre position. Ou plus exactement, le croyant est invité à se déposséder de tout orgueil, en venant à la lumière gracieuse du Fils. Cette attitude s’oppose à celle du croyant qui s’obstine à vouloir obtenir son salut par des pratiques méritoires, restant ainsi dans les ténèbres, loin de la Grâce. Naître à nouveau suppose cette foi au Fils, qui par sa parole plonge le croyant dans l’amour du Père. Comme le rappellera le passage suivant.