Durant la fête des tentes, les débats entre Jésus et les responsables juifs de Jérusalem provoquent un vive opposition à son encontre. Avec la scène de la femme adultère, Il est maintenant sommé de se soumettre à la Loi, dans ce qu’elle de plus terrible, au risque de se désavouer.
L’origine du récit 7,53-8,11
C’est une scène connue de l’évangile de Jean, pourtant elle ne lui appartient pas. Ce passage (7,53-8,11) est absent des plus anciens manuscrits, notamment des témoins comme le Sinaïticüs ou le Vaticanus, des manuscrits du IV°s. Plus étonnant, on retrouve cet épisode intégré à d’autres endroits dans certains manuscrits, parfois placé dans l’évangile de Luc (après Lc 21,38 ou 24,54). Nous sommes donc en présence d’un récit indépendant, inséré plus tardivement dans l’évangile de Jean. Il introduit une rupture artificiel dans le discours (7,53 Puis ils s’en allèrent chacun chez soi), alors que le verset 12 du chapitre 8, reprend le discours comme si de rien n’était : De nouveau, Jésus leur parla : « Moi, je suis la lumière du monde… Les paroles de Jésus face à ses opposants forment une unité qui ignorent le récit de la femme adultère. Mais celui-ci demeure éclairant au sein de ce contexte.
Le lendemain au Temple (8,1-5)
Jn 8, 1 Quant à Jésus, il s’en alla au mont des Oliviers. 2 Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. 3 Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu, 4 et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. 5 Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? »
En flagrant délit d’adultère
En plus d’apporter une pause narrative à une longue section discursive, le récit résume la controverse dont Jésus est l’objet. Sa parole et sa présence à Jérusalem viennent-elle s’opposer à la Loi de Moïse ? Est-il celui qui vient sauver ou égarer le peuple des commandements. S’il est le Christ envoyé par le Père, il ne peut s’opposer à la Loi donnée par Dieu lui-même. La femme surprise en flagrant délit d’adultère n’est qu’un prétexte pour faire chuter Jésus. Le cas de l’adultère, l’un des dix commandements (Ex 20,14), donne au débat un enjeu d’importance. Les arguties théologiques laissent place à un cas concret où une femme risque la lapidation (Dt 17,4-7 ; 22,22-24 ; Lv 20,10).
La Loi ou la parole de vie ?
La veille Jésus promettait la grâce de la vie : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. (7, 37-38). Aussi, si Jésus consent à la condamner il montre combien il demeure fidèle à Loi. Mais en obéissant à celle-ci, tout son discours sur la primauté de sa Parole de grâce et de Vie serait contredit par la lapidation de la femme. A l’inverse s’il refuse de la condamner, il refuse la Torah, donnant raison à ses détracteurs qui l’accusait d’égarer le peuple. Le récit de la femme adultère met donc Jésus face à un dilemme.
Que celui qui est sans péché (8,6-9)
8, 6 Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre. 7 Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » 8 Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre. 9 Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu.
De nouveau, il écrivait sur la terre
Beaucoup ont essayé de comprendre l’attitude Jésus se baissant et écrivant du doigt (ou dessinant). Pour St Jérôme, le Christ écrivait la liste des péchés de ses accusateurs, pour d’autres le texte de Jérémie, qui n’est pas sans éclairer notre récit : Jr 17,13 Espoir d’Israël, Seigneur, tous ceux qui t’abandonnent sont couverts de honte – ceux qui s’écartent de moi sont condamnés – , car ils abandonnent la source d’eau vive: le Seigneur.
Mais le texte reste volontairement dans le flou. Jésus écrit sur le sol, comme en opposition à ceux qui, ici, se servent de Loi inscrite sur des tables de pierres pour l’accuser. La scène souligne ainsi le contraste entre le sérieux silence de Jésus et les multiples questions de ses adversaires. Le geste de Jésus écrivant sur le sol encadre sa réponse : Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre.
Être sans péché
Jésus ne s’écarte pas de la Loi mais s’appuie sur elle. Celui qui est sans péché, est celui qui se considère en conformité avec les préceptes de la Loi. Or qui peut s’en prévaloir ? Bien plus, pour le cas précis de la femme adultère, les préceptes ne sont pas uniformes. Dt 7,4 exige que l’accusation se fasse en présence d’au moins deux témoins du fait, après enquête approfondie. Lv 20,10 demande explicitement que les deux coupables d’adultère, l’homme et la femme, soient tous deux lapidés. Et l’on peut se demander ici, si le procès n’est expéditif et cela au mépris de la Loi elle-même.
Cependant, Jésus n’entre pas dans une telle casuistique. Il va plus loin que la Loi, demandant à celui qui se considère sans péché à jeter la première pierre. Ce « privilège » dans le cadre d’un adultère était donné aux témoins mêmes de la faute : Les témoins seront les premiers à lever la main contre le condamné pour le mettre à mort (Dt 17,7). Le récit joue sur ces deux registres. Si aucun ne se lève pour jeter en premier la pierre, cela pourrait montrer l’absence de témoin. Cependant, en précisant l’ordre, des plus âgés aux plus jeunes, le récit montre que tous ont péché et que tous ont besoin aussi de se soumettre au jugement de Dieu et à son pardon.
Par sa parole, Jésus renvoie les accusateurs de la femme à leur propre condition croyante et pécheresse. Avant d’appliquer la Loi à cette femme, ils doivent d’abord se l’appliquer à eux-mêmes. Jésus les renvoie non à un précepte mais au fondement même de la Loi qui s’inscrit d’abord dans la volonté de Salut de Dieu. Ainsi Jésus ne s’oppose pas à la Loi mais à l’interprétation des ses détracteurs. Par ce récit, il se présente comme le véritable interprète et maître de la Loi. La scène est d’ailleurs ironique ; ceux qui sont venus trouver Jésus pour le mettre à l’épreuve, à propos de la Loi, sont ceux qui lui donnent raison, sur la Loi, en quittant la scène.
Va et ne pèche plus (8,10-11)
Jn 8, 10 Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » 11 Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Parole de miséricorde
La scène devient plus intimiste. La femme, objet d’accusation et prétexte pour faire tomber Jésus, reçoit une véritable place. Elle devient sujet d’un dialogue et bénéficiaire de la miséricorde du Christ : ce que les tenants légalistes ne lui avaient accordé. Jésus ne s’adresse pas à elle l’accusant, mais en rappelant l’attitude des accusateurs. Personne ne l’a condamnée. L’interprétation rigide de la Loi la condamnait à mort. La Loi interprétée par Jésus lui offre le pardon et l’ouvre à une conversion pour une attitude qui ne l’écarte plus du dessein de Dieu. La parole de Jésus « Va et ne pèche plus » ne concerne pas seulement l’adultère, mais s’adresse à l’ensemble de sa vie croyante. Ce n’est pas un ordre destiné à une vie soumise aux préceptes de Loi mais un don, une invitation à vivre sous le régime de la Grâce, à l’écoute de Celui qui pardonne et qui lui-même, pour elle et pour tous, risquera la mort et la lapidation, Alors ils ramassèrent des pierres pour les lui jeter. Mais Jésus, en se cachant, sortit du Temple. (8, 59).
Pour moi c’est un des plus beaux textes des Evangiles….
Mais je trouve qu’il y a une incohérence dans la Loi… tu ne tueras point et la lapidation pour les coupables d’adultère !!!
J’apprécie de savoir que quelque part dans la Bible, l’homme est reconnu aussi coupable que la femme ! Ce n’est pas toujours le cas.
Merci François pour tout ce travail que tu fais.