6ème dim. de Pâques (C) 14,23-29
Pentecôte (C) 14,15-16.23b-26
Lors de ce dernier discours de Jésus à ses disciples, Jude intervient. Son incompréhension permet à Jésus de situer son départ et le don de l’Esprit dans l’événement de la croix, lieu de révélation de l’amour du Père.
L’attente de la manifestation (14,22-24)
14, 22 Jude – non pas Judas l’Iscariote – lui demanda : « Seigneur, que se passe-t-il ? Est-ce à nous que tu vas te manifester, et non pas au monde ? » 23 Jésus lui répondit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. 24 Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé.
L’incompréhension de Jude
Après les interventions de Thomas (14,5) et Philippe (14,8), c’est au tour de Jude d’interrompre le discours avec une interrogation pertinente. Le « voir Jésus et vivre » (14,19) est destinée à la communauté croyante. C’est au sein de la communauté que l’amour vivant du Christ se manifeste. N’aurait-il pas été plus simple pour celui que les communautés confessent Fils et Christ, inaugurant les temps eschatologiques, de se manifester au monde, c’est-à-dire à ceux qui lui sont hostile ?
Cette question de Jude, fait sans doute écho aux contestations venant d’autres communautés juives. Si Jésus est Christ, le juge et l’envoyé divin, pourquoi ne se manifeste-t-il pas publiquement ? C’est une question qui fut déjà abordée, au sein de cet évangile, avec les frères de Jésus (7, 1-10). La réponse de Jésus est la même et trouvera, ici, son éclairage à la fin de cette section (14,30-31). Jésus s’est bien manifesté publiquement et au monde, mais à la croix, lieu de sa victoire sur la haine et le mal, sur le prince de ce monde. L’allusion à Judas n’est pas fortuite. Elle n’est pas seulement une indication pour distinguer ces deux disciples au même nom. En grec, Jude est désigné par le nom de Judas. L’allusion renvoie à la Passion prochaine, et permet ainsi de comprendre combien celle-ci va devenir la clef de lecture de la mission du Fils.
Aimer Jésus et être aimé du Père
Cette manifestation est donc liée à la Révélation de Dieu, c’est-à-dire dans cet évangile, à la révélation de l’amour du Père. La croix ne peut se concevoir comme victoire que dans la foi et en l’accueillant non comme un lieu sacrificiel de souffrance, mais comme un don plénier qui constitue l’accomplissement de la Révélation. La manifestation visible du Christ se comprend à l’aune de son amour et de ses paroles. A l’inverse le refus d’aimer comme le Christ a aimé les siens, constitue un refus de la Révélation.
C’est pourquoi le discours de Jésus ne répond pas directement à la question de Jude. Pour saisir cette manifestation de Dieu, il faut accueillir la parole du Christ, écho de la voix du Père. La manifestation ne consiste pas en des phénomènes merveilleux par lesquels Dieu imposerait sa présence, elle consiste à entrer dans la logique de l’amour du Père qui veut faire, avec le Fils, sa demeure dans le cœur de chacun, librement.
L’Esprit Saint vous enseignera tout (14,25-27)
14, 25 Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; 26 mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.
Il vous fera souvenir de tout
Le Défenseur, l’Esprit Saint, qu’un passage précédent avait déjà évoqué (14,15-18), représente maintenant l’action de Dieu en faveur des siens. Il enseigne et fait souvenir de toutes les paroles du Christ. On pourrait même dire que son enseignement est de faire souvenir, c’est-à-dire d’interpréter les paroles de Jésus à la lumière de la croix. La glorification du Christ, son élévation auprès du Père, oblige à les entendre d’une autre manière. Seul le don de l’Esprit, accueilli dans la foi, ouvre à cette intelligence des paroles et de la vie du Christ. L’Esprit est le Défenseur non seulement de la communauté, comme précédemment, mais aussi du Christ. Il est celui qui fait entendre, saisir, dans l’amour révélée, les paroles du Christ à ceux qui croient en lui.
Le Père est plus grand que moi (14,28-29)
14, 27 Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé.28 Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. 29 Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez.
Le don de la paix
Le départ vers le Père, à la croix, est donc « nécessaire » pour entendre tout le mystère du Christ qui révèle un amour plus grand, indicible sans le Christ, qu’est le Père. Au don du Christ jusque dans sa passion (13,1-38), et au don de l’Esprit, l’autre défenseur, est associée maintenant sa paix. Il faut entendre ce terme dans son acception juive. Le shalom (paix) représente plus qu’une absence de guerre ou de violence. Il est l’accomplissement du dessein de Dieu qui vient établir la communion entre les hommes au sein de sa création. Jésus donne sa paix, non à la manière du monde, mais bien à la manière de Dieu. Le départ du Christ inaugure ainsi le temps de la paix divine, l’avènement d’une ère nouvelle dont la communauté est le lieu d’accomplissement.
Que le monde sache (14,30-31)
14, 30 Désormais, je ne parlerai plus beaucoup avec vous, car il vient, le prince du monde. Certes, sur moi il n’a aucune prise, 31 mais il faut que le monde sache que j’aime le Père, et que je fais comme le Père me l’a commandé. Levez-vous, partons d’ici.
L’amour du Père révélé
Ces versets répondent à l’incompréhension de Jude. Le départ de Jésus représente une victoire sur le prince de ce monde, c’est-à-dire sur le Mal. La croix qui s’annonce, manifeste ouvertement l’amour mutuel du Christ et du Père. Mais ce mystère ne peut être dévoilé que dans la foi avec le soutien de l’Esprit reçu. Il n’est donc « visible » que par la communauté croyante attachée fermement à son Seigneur et nourrie de sa parole.