Parallèles : Mt 28,1-8 | Mc 16,1-8 | Lc 24,1-11
Pâques, messe du jour Jn 20,1-9
La découverte du tombeau vide se fait en deux grandes étapes : la venue de Marie de Magdala suivie de celle des deux disciples dont Pierre. Trois personnages dont les réactions sont diverses et différentes.
Cet article existe aussi au format podcast (cf. i-dessous) : Courir pour le Ressuscité (2/7) Jn 20,1-10
De grand matin (20,1-2)
Parallèles : Mt 28,1-8 | Mc 16,1-8 | Lc 24,1-11
20, 1 Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. 2 Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. »
Marie de Magdala
Quel que soit l’évangile, nous retrouvons Marie Madeleine ou Marie de Magdala au tombeau vide. Il en a été dit beaucoup à son sujet. La tradition populaire et tardive, après le VI°s., surtout dans l’art pictural ou cinématographique la représente sous les traits d’une prostituée. Or jamais elle n’est décrite ainsi dans les écritures. Tous les évangiles concordent pour associer cette Marie à la ville de Magdala. Ce lieu n’est qu’une petite ville de la côte occidentale du Lac de Galilée, entre Tibériade et Capharnaüm. Magdala : c’est tout ce que nous savons de l’identité même de cette femme. Matthieu et Marc, avec Luc, indiquent qu’elle fait partie des femmes qui ont suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir (Mt 27,55-56 ; Mc 15,40-41). L’ensemble des évangiles témoigne aussi de sa présence lors de la crucifixion et de l’ensevelissement. Revenons à notre récit du matin de Pâques qui l’associe, depuis la crucifixion, aux disciples de Jésus.
La pierre enlevée
Dans la version de Jean, Marie vient seule au tombeau. Cependant, l’évangéliste connaît aussi la tradition de plusieurs femmes au tombeau, comme le suggère la parole au pluriel de Marie de Magdala : Nous ne savons pas où on l’a déposé. Mais Jean aime ces rencontres particulières entre Jésus et un disciple. La scène se déroule au grand matin, ce premier de la semaine. Ce matin où les ténèbres sont encore présents. Cette indication suggère la nuit de Marie de Magdala, qui chez l’évangéliste Jean est seule à venir au tombeau vide. Une nuit qui attend la rencontre avec Celui qui se présentait comme la lumière du monde.
Contrairement aux évangiles synoptiques, la pierre n’est pas roulée, mais véritablement enlevée. Il ne s’agit pas seulement d’une locution synonyme. L’expression souligne combien ce tombeau fermé est désormais définitivement ouvert. La mort a été vaincue.
Pour autant, Marie demeure dans l’incompréhension. Elle venait pour la sépulture d’un corps et voilà que le sépulcre est ouvert, et le corps absent. Elle ne sait pas où on l’a déposé. Par ses propres capacités, elle ne peut saisir le sens de ce tombeau vide : son savoir devra laisser place à une (re)connaissance, une rencontre, qui implique également d’autres disciples comme ici Simon-Pierre le disciple que Jésus aimait. En cela, elle est la figure du disciple.
Pierre partit donc avec l’autre disciple (20,3-7)
Parallèle : Lc 24,12
20, 3 Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau.4 Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. 5 En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. 6 Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, 7 ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place.
La course des disciples
La découverte du tombeau vide fait courir tout le monde : Marie de Magdala pour avertir les disciples, et ces deux disciples pour se rendre au tombeau. La course prend même des allures de compétition entre ces derniers. Plusieurs interprétations ont été données à ce passage. Certains expliquent l’arrivée de Pierre après le disciple par la jeunesse supposée de ce dernier identifié par la tradition à Jean fils de Zébédée. Mais d’autres interprétations préfèrent voir l’expression de l’amour de ce disciple pour Jésus. Ce disciple que Jésus aimait, toujours anonyme chez Jean, est le portrait du disciple fidèle jusqu’au bout, jusqu’à se tenir au pied de la croix (19,25). Son attachement le porte ainsi en premier au tombeau. Simon-Pierre arrive en second, ralenti, selon cette interprétation, par le poids de son reniement.
Mais ce disciple bien aimé laissera Pierre, figure ecclésiale éminente, entrer en premier. À moins que cette politesse soit due, comme certains exégètes l’avancent, à l’identité sacerdotale du disciple bien-aimé qui refuserait d’entrer en contact avec l’impureté du tombeau. En tout état de cause, cette course demeure une course effrénée.
Mais pourquoi courir ?
Dans la Bible, on court généralement pour annoncer la bonne nouvelle d’une victoire, ou l’arrivée d’un personnage important, ou bien pour aller à la rencontre de quelqu’un attendu et aimé. Mais ici, la nouvelle n’est, apparemment, pas bonne et le personnage important a disparu de son tombeau. Nous sommes ici dans une course qui indique l’affolement et l’incompréhension : « nous ne savons pas où on l’a déposé » déclare Marie de Magdala. La course des deux disciples est du même ordre : ils se précipitent dans cette incompréhension et cette émotion qui ne permet aucune solution. Cette incompréhension teintée d’émotivité était d’ailleurs suggérée par ces ténèbres : Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Il est donc nécessaire de « faire la lumière » sur cette affaire. Dans cette émotion chacun semble courir pour soi et n’arrive qu’au vide du tombeau, sans pouvoir entrer dans ce mystère. Il faut donc passer de l’émotion à la raison et au discernement.
Pierre l’observateur
Pierre observe. Dans ce tombeau vide, tout est rangé et paisible, ce qui contraste avec leur affolement. La description de l’intérieur du tombeau contredit l’hypothèse d’un vol du corps, comme également une réanimation. Les linges qui entouraient le corps et les membres de Jésus, le suaire autour de la tête, tout est rangé, plié, roulé comme si un individu méticuleux avait pris son temps pour tout ordonner, comme Dieu ordonna la création soigneusement. Mais l’observation raisonnée de Simon-Pierre ne permet nullement d’accéder à la foi en la résurrection. Il faut l’entrée de l’autre disciple.
Entra l’autre disciple (20,8-10)
20, 8 C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. 9 Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. 10 Ensuite, les disciples retournèrent chez eux.
Le disciple que Jésus aimait
Celui-ci entra. Il vit et il crut. À quoi doit-il cette foi subite ? L’émotion, ni la raison n’ont pu suffire. La foi ici nécessite deux éléments : l’amour de Jésus et l’Ecriture. Car ce disciple est celui que Jésus aimait, celui qui se tenait près de Jésus dans sa passion jusqu’au pied de la croix. Cette croix qui révèle le vrai visage de Dieu, permet de saisir le vide du tombeau, c’est-à-dire la victoire de l’amour sur la mort, de la lumière sur les ténèbres de la haine. À la lumière de la croix, le tombeau se remplit de sens grâce et de toute l’Écriture. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. La Résurrection accomplit le dessein même de Dieu selon les Écritures qui en permet le discernement. Il ne s’agit plus d’un événement isolé et énigmatique, mais d’une Révélation divine. Paradoxalement l’absence du corps dit la présence même de Dieu, comme le montrera justement la suite de ce récit avec la rencontre entre Jésus et Marie de Magdala.