Parallèles : Mt 8,1-4 | Mc 1,40-45
Quittant les profondeurs du lac, l’évangéliste nous fait parvenir dans une ville sans nom de Galilée, rejoignant un lépreux anonyme.
Un homme couvert de lèpre (5,12-13)
5, 12 Jésus était dans une ville quand survint un homme couvert de lèpre ; voyant Jésus, il tomba face contre terre et le supplia : « Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier. » 13 Jésus étendit la main et le toucha en disant : « Je le veux, sois purifié. » À l’instant même, la lèpre le quitta.
Couvert de lèpre
Une ville sans nom, un homme anonyme : le récit contraste avec le précédent récit de guérison, ayant lieu à Capharnaüm auprès d’une femme : la belle-mère de Simon. Comme pour ce dernier récit, Luc amplifie le récit de Marc. Après la forte fièvre, c’est maintenant un homme couvert de lèpre. Cette indication insiste sur la gravité du cas. En ce premier siècle, le terme lèpre recouvre la multitude des maladies de peau et ne se résume pas seulement à la pathologie diagnostiquée médicalement aujourd’hui. Toute trace ou plaie sur l’épiderme, depuis l’eczéma jusqu’à la maladie de Hansen (lèpre), faisait l’objet d’une surveillance sérieuse, afin d’éviter toute contamination possible.
L’individu déclaré lépreux était mis à l’isolement au moins durant sept jours, ou, pour les cas grâces avérés, exclu des villes et villages, jusqu’à ce que son état s’améliore et soit validé par un prêtre du Temple. Le livre du Lévitique consacre deux chapitres entiers (Lv 13-14) à ces cas de lèpre et aux rites de purification après leur guérison.
Lv 13, 45 Le lépreux atteint d’une tache portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : “Impur ! Impur !” 46 Tant qu’il gardera cette tache, il sera vraiment impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp.
Si tu le veux
L’homme s’avance et tombe face contre terre, exprimant sa détresse et la reconnaissance, en Jésus, de ce Seigneur qui peut le sauver. La demande de l’homme relève d’un acte de foi, c’est-à-dire d’une soumission à la volonté divine : si tu le veux.
Comme il s’était penché vers la belle-mère de Simon, Jésus touche le lépreux. L’acte est audacieux, mais vient révéler la réelle proximité du Christ avec son peuple et notamment, les malades (la belle-mère de Simon), les pécheurs (Simon) et les impurs (le lépreux). Ainsi, au geste s’associe la parole : « je le veux » qui répond ainsi la demande de l’homme. La parole demeure, une fois encore, primordiale et source de vie. L’immédiateté de la guérison offre, l’illustration de l’aujourd’hui salutaire du Christ. Et la lèpre quitte l’homme, comme est sortie la fièvre de la belle-mère (4,38-44) et l’esprit démoniaque (4,31-37).
Ne le dire à personne (5,14-16)
5, 14 Alors Jésus lui ordonna de ne le dire à personne : « Va plutôt te montrer au prêtre et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit ; ce sera pour tous un témoignage. » 15 De plus en plus, on parlait de Jésus. De grandes foules accouraient pour l’entendre et se faire guérir de leurs maladies. 16 Mais lui se retirait dans les endroits déserts, et il priait.
Va te montrer au prêtre
Cette fois-ci ce ne sont pas les démons qui sont sommés de se taire, mais l’homme guéri. Jésus le renvoie aux prêtres du Temple afin d’authentifier son état de pureté retrouvée qui lui permettra de rejoindre les siens. Après la restauration de l’individu dans son intégrité, le voici appelé à rejoindre les siens. Tel est le premier objectif suivant la Loi de Moïse. Cependant, Luc, reprenant Marc, indique combien cet état retrouvé doit devenir un témoignage. L’indication paraît contradictoire entre l’injonction de ne le dire à personne et d’être un témoignage pour tous. Mais il faut tenir ces deux expressions. Ces deux ordres successifs de Jésus permettent de taire le succès d’un guérisseur nommé Jésus, auprès de quelques-uns, pour mettre en valeur cette Bonne Nouvelle du Royaume venue pour tous. La personne guérie devient en elle-même le témoignage vivant de cet avènement.
De grandes foules
Une autre opposition étonnante attire encore notre attention. Luc évoque ces grandes foules, de plus en plus nombreuses, venant écouter Jésus et ce dernier allant à l’écart, en des lieux déserts pour prier. Une fois de plus, ces deux éléments sont à tenir ensemble. La parole de Jésus est reconnue pour être une parole de salut pour tous : l’entendre et être guéri vont de pair. Or ce salut tient à l’action de Dieu : c’est le Seigneur qui agit avec son Fils (5,17.26). La prière de Jésus rappelle cette intimité de sa personne avec le Père, dans l’Esprit. Elle nous renvoie à cette théophanie du Jourdain, où Jésus priait quand la Parole du Père se fit entendre : 3,22 Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. La prière de Jésus exprime ainsi l’action de grâce du Père pour le joyeux avènement du Royaume, et l’amour qui l’unit au Fils.
Jésus et la prière
Luc est l’évangéliste qui évoque le plus cette prière de Jésus. Il nous le montre ainsi, souvent en des endroits isolés, parfois avec quelques disciples, et à des moments clés de l’évangile : depuis la théophanie du Jourdain (3,21), lors du choix des Douze (6,12), peu après la multiplication des pains (9,18), durant la Transfiguration (9,28-29) ; offrant la prière du Notre Père (11,1), jusqu’à Gethsémani, peu avant la Passion ( 22,41.44). La prière de Jésus ponctue ainsi l’ensemble de l’évangile de Luc et rappelle sans cesse que la parole et l’action du Christ sont le témoignage de l’amour agissant du Père.