Parallèles : Mt 12,46-50 | Mc 3,31-35
Le passage montre la famille de Jésus essayant de le rejoindre en dépit de la foule. Mais le récit ne peut être compris indépendamment du contexte dans lequel il s’insère.
Ta mère et tes frères sont là (8,19-21)
8, 19 La mère et les frères de Jésus vinrent le trouver, mais ils ne pouvaient pas arriver jusqu’à lui à cause de la foule. 20 On le lui fit savoir : « Ta mère et tes frères sont là dehors, qui veulent te voir. » 21 Il leur répondit : « Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. »
La question historique des frères de Jésus
Je fais, ici, une petite parenthèse. Il est parfois questions des frères et/ou des sœurs de Jésus (ou du Seigneur) dans les évangiles (Mt 12,46; 13,55-56 ; Lc 8,19 ; Mc 3,31 ; 6,3 ; Jn 2,12 ; 7,3) comme aussi dans les Actes des Apôtres (Ac 1,19) et même dans une lettre de Paul (Ga 1,19). À chaque fois que je traite un de ces passages, il m’est toujours posé la question de savoir de quels frères et sœurs il est question, au regard de l’histoire comme de la doctrine de la virginité perpétuelle de Marie. Il me faudra, sans doute, publier un dossier sur ce thème. Je veux donc juste éclairer certains points, brièvement.
Qui sont, ici, ces frères accompagnant sa mère ? Pour certains, il peut s’agir de la fratrie, au sens oriental, rassemblant ceux qui ont été élevés dans la même maisonnée familiale, comme des cousins. Ainsi, le conçoit la tradition catholique. Pour d’autres, et notamment dans le monde chrétien orthodoxe, ils seraient des demi-frères de Jésus, issus d’un précédent mariage de Joseph, veuf. D’autres commentateurs, sans se positionner, voient en ces frères de Jésus, les représentants la famille galiléenne de celui-ci qui, après Pâques, autour de Jacques (Ac 15,13 ; Ga 1,9) dirigeront la communauté chrétienne de Jérusalem. D’autres encore, notamment parmi les exégètes et historiens, les considèrent comme les véritables frères cadets de Jésus, nés de Marie. En réalité, la question ne se pose qu’au regard du statut théologique donnée à la virginité de Marie. Et là n’est pas le débat de notre passage.
Ici, on peut observer que, comme les autres évangélistes qui les mentionnent également, Luc ne s’interroge pas à ce point. Le sujet ne semble pas poser un problème. Ils sont les frères de Jésus sans qu’aucun évangéliste ne trouve le besoin de préciser la nature du lien de fraternité.
Pouvoir entrer
La scène de la famille de Jésus tentant de venir le voir est commune à la tradition synoptique. Cependant, l’insertion au sein d’un contexte particulier offre une autre lecture que celle d’une mention historique – qui en soi serait plutôt anecdotique. Ici, le passage se situe aussitôt la parabole de la lampe (8,16-18) destinée à éclairer ceux qui entrent.
Or, qui entrent, qui souhaitent entrer, dans ce passage, sinon la mère et les frères de Jésus ? Et ce sont bien ceux qui sont déjà à l’intérieur, tels des disciples, qui se font les serviteurs et messagers auprès de Jésus. Bien évidemment, l’épisode va au-delà, mais déjà il reprend le thème du rôle du disciple, présenté avec les deux paraboles précédentes.
Ceux qui écoutent la parole de Dieu
Le récit souligne la foule qui empêche la famille naturelle de Jésus de venir à lui. Elle se tient à l’extérieur, elle qui, en raison de son lien avec Jésus, aurait dû être honorée et accueillie comme il se doit. Mais pour Jésus, sa famille est d’abord celle qui est, déjà, présente dans la maison. Le lien de fraternité est élargi et a pour critère, non l’appartenance à un clan, mais l’adhésion de foi. Des commentaires voient dans ce passage une critique de la gestion de la communauté chrétienne par Jacques, le frère du Seigneur (cf. supra).
Le passage redéfinit ainsi la communauté chrétienne. Il ne s’agit pas d’une rhétorique vague. D’abord, Jésus désigne la communauté des disciples comme celles et ceux qui écoutent la parole, allusion à la parabole du semeur (8,4-15) et qui la mettent en pratique, allusion à la parabole de la lampe (8,16-18). Mais, surtout, en les désignant comme sa famille, il permet de souligner la dimension ecclésiale et fraternelle de la Bonne Nouvelle. Sa parole vient créer de nouveaux liens, une filiation reçue du Père : 6,35 vous serez les fils du Très-Haut. La vie ecclésiale s’inscrit ainsi dans l’Alliance nouvelle, célébrée, plus loin, lors de la cène et la Passion (22,20).
Écouter et mettre en pratique
Écouter et mettre en pratique sont des verbes liés à la Loi de Moïse. Nous en avions déjà fait la remarque lors du discours des béatitudes (6,27-38), qui d’ailleurs comportait aussi cette dimension fraternelle et filiale.
Dt 4, 1 Maintenant, Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, vous entrerez, pour en prendre possession, dans le pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères.
Une fois encore, Luc reprend le langage de la Loi pour l’affecter à la personne du Christ qui en devient le signe et l’interprète. La Loi est le don de Dieu afin que le peuple puisse vivre, ensemble, et selon son dessein. Ainsi, désormais, la vie du disciple et sa nouvelle identité, au sein de la communauté, naît de la personne même du Christ qui devient, uni au Père, pourvoyeur de vie. Les récits suivants en seront une illustration.
J’ai aimé votre interprétation de la parole de Dieu