La Passion selon Luc reprend majoritairement la trame narrative de celle de Marc, comme de Matthieu. Cependant, comme très souvent, l’évangéliste revisite, à sa manière, certains épisodes et en introduit de nouveaux comme la comparution devant Hérode ou le dialogue avec les malfaiteurs crucifiés.
Comme dans tous les évangiles, le récit de la Passion débute avec la mention d’un complot contre Jésus à l’approche de la fête de la Pâque. Luc omet le récit de l’onction de Béthanie et préfère annoncer directement la trahison de Judas. Le Christ trahi, livré par l’un des siens, renié par un autre, reprend les figures du prophète méprisé et du juste condamné, chères à Luc.
Si je ferai référence à certaines caractéristiques propres à Luc pour chaque péricope analysée, il convient de souligner les différences entre Luc et les autres évangélistes d’un point de vue générale sur la Passion.
Les lieux
Luc est l’évangéliste qui mentionne davantage de mouvements de Jésus après son arrestation. En plus des lieux communs aux autres, il ajoute le déplacement vers le sanhédrin (22,66) et la comparution devant Hérode (23,6).
- Luc : (7 lieux) Mont des Oliviers (22,39) à chez Caïphe (22,54) à au sanhédrin (22,66) à face à Pilate (23,1) à devant Hérode (23,6) à retour chez Pilate (23,11) à au « Crâne » (23,26)
- Marc (4/5 lieux) : Mont des Oliviers (14,26) à chez le grand-prêtre (14,53.55) à ?voire au sanhédrin (15,1a) à au prétoire, face à Pilate (15,1b) à au Golgotha (15,)
- Matthieu (4 lieux) : Mont des Oliviers (26,30 à chez Caïphe (26,57) à Chez Pilate (27,2) à Au Golgotha (27,33)
- Jean (5 lieux) : Mont des Oliviers (18,1) à chez Hanne (18,13) à chez Caïphe (18,24) à Chez Pilate (18,28) à Au Golgotha (19,17)
Cependant, la géographie de la Passion n’est le domaine le plus caractéristique de l’évangile. Luc se distingue par une narration très particulière.
Les éléments narratifs
Luc rappelle ainsi le nécessaire abaissement des disciples lors de la Cène, associant ainsi l’identité de la communauté à la passion de leur Seigneur. Celle-ci devient le lieu où le Christ révèle l’amour et le pardon du Père. Chez Luc, en effet, Jésus ne cesse de s’adresser à lui jusqu’à sa mort. Il insiste donc davantage sur la présence de Dieu à son fils lors de son supplice. En plus de sa mention lors de la Cène (22,29) et la prière de Jésus à son agonie (22,42), l’évangéliste fait entendre, par deux fois, la parole de Jésus à son père sur la croix :
- 23,34 Père, pardonne-leur…
- 23,46 Père, entre tes mains je remets mon esprit
La parole de Jésus est ainsi une parole qui manifeste la communion du Père et sa miséricorde. Lors de son arrestation, il guérit l’oreille coupée du serviteur (22,51). Sur la croix, il demande le pardon pour ses bourreaux et offre le salut au bon larron : 22,43 Aujourd’hui, avec moi tu seras dans le Paradis. Ainsi, s’accomplit en la Passion, l’aujourd’hui du salut annoncé lors sa naissance (2,11 Aujourd’hui vous est né un sauveur) et proclamé à Nazareth (4,14 Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture). Crucifié Jésus demeure le sauveur et le manifeste. Un sauveur et un messie qui adressera à Jérusalem, narrativement aux filles de Jérusalem (23,28), un dernier propos aux accents fortement eschatologique confirmant son statut de Fils de l’homme.
Au sein du procès, Luc se caractérise également par son insistance sur l’innocence de Jésus reconnue par Pilate comme par Hérode. Dans ce cadre-là, l’évangéliste ne mentionne nul supplice de la soldatesque romaine avant la crucifixion.
Les péricopes :
- 22,1-6 La trahison de Judas
- 22,7-38 La Cène
- 22,39-46 La prière d’agonie
- 22,47-53 L’arrestation
- 22,54-71 Devant le grand-prêtre et reniement de Pierre
- 23,1-25 Face à Pilate et Hérode
- 23,26-43 La crucifixion
- 23,44-49 La mort de Jésus
- 23,50-56 La mise au tombeau