Je ne savais si j’allais encore écrire un mot pour ce Noël, tant j’ai l’impression d’une redite annuelle, autosatisfaction scrupuleuse du prédicateur, dont la parole ne tombera que dans quelques oreilles sourdes et bien-pensantes. Tant pis. Qu’ajouter de plus à la Parole, à ces évangiles de la Nativité lus, relus, rerelus, et commentés chaque année, au son du même GloOoOria ?
J’aurais beau rappeler (à tord ?), comme bien d’autres aussi, à ces gens auto-proclamés défenderesses de la foi, gardiens de la morale et soldats du Temple, combien ce Gloria de « l’enfant-Dieu » – comme ils aiment à le chanter – oblige au même humble abaissement… autant souffler une musette percée ! Et pourtant, si Dieu se fait Homme pour que l’Homme devienne Dieu, comme ils disent, c’est bien pour que nous vivions de cette révélation d’un Dieu rejoignant (et glorifiant) la fragilité et la pauvreté d’une l’humanité silencieuse, celle, en premier, des bergers, déjà pauvres mais capables de délaisser un troupeau pour un simple môme, tout aussi démuni, exilé dans une mangeoire.
Ce dépouillement divin exprime tout à cet instant, comme plus tard à la croix : un Dieu môme qui se révèle dans la fragilité. Beaucoup, surtout en Église (Sainte, Catholique et Romaine, bien entendu) recherche ces temps glorieux , et légendaires, de la « chrétienté », rêve d’évangélisation conquérante, de moralisation qu’eux-mêmes sont incapables de vivre, … là où se cache l’orgueil et le désir de toute-puissance.
À distance de la crèche, loin, au sein ce recensement romain, ces gens de pouvoir et d’absolutisation, comptent leurs gens comme biens, et leurs richesses comme des valeurs … pour conquérir encore.
Et là, ici, au cœur d’une pièce ingrate, ce môme Dieu qui ne compte pas, sinon sur cette humanité fragile. C’est en elle qu’il se confie. Môme Dieu livré et confiant en l’Homme en dépit de sa fragilité. Ou peut-être même en raison de celle-ci. Dieu ne compte pas sur les forts ou du moins celles et ceux qui se considèrent comme tels, en raison de leur réussite sociale, en raison de l’exemplarité supposée de leur foi, en raison de leur rigorisme moral qui méprise et exclue, condamne et rejette.
Ce môme Dieu compte sur ces bergers d’Israël dédaignés par ces mêmes gens bien, regardés comme des individus sans morale, sans pratique religieuse régulière, sans pieux vocabulaire, sinon celui que Dieu comprend : la grammaire de la bienveillance et du souci des plus fragiles agneaux.
Ce Dieu môme compte avec ces bergers pour cette bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple, et non pour une élite. Dieu se fait môme, couché dans une mangeoire, reflétant l’image de Dieu, et nous invitant à être de ces mômes que le Seigneur aime, sans pour autant surjouer de religieuses momeries. C’est en vérité, à ses côtés, fraternellement qu’il nous appelle à vivre. C’est aux côtés de nos pauvretés, ou du moins celles qui sont perçues comme telles, qu’il se tient pour offrir cette joie et cette paix aux hommes qu’il aime.
Joyeux Noël