Elles étaient venues en portant des aromates pour le mort, elles sont reparties avec un message sur le Vivant. Mais tout n’est pas si simple pour ces femmes. Luc nous offre, dans son récit, des tableaux saisissant de contraste et déconcertant.

Pierre Paul RUBENS, Les saintes femmes au sépulcre, 1614 – source : wikimedia
Du silence à la Parole
Désemparées par ce corps absent d’un tombeau ouvert, ces femmes entrent dans l’effroi face à cette présence quasi-angélique qui les oblige à baisser leur regard, cessant ainsi de « voir » pour « être à l’écoute ». De fait, ces deux hommes lumineux, aux dires énigmatiques, les renverront à la parole de leur Seigneur : rappelez-vous ce qu’il vous avait dit. Plus tard, d’autres hommes, moins énigmatiques, apôtres et disciples incrédules, les renvoient à leur radotage, délire ou racontar. Tels les prophètes d’hier, ou les Cassandre voisines, la parole de ces femmes ne sera pas immédiatement entendue.
De plus en plus près
Témoins ignorées, sans doute par l’objet de leur propos incroyable voire inaudible, probablement parce que femmes, elles sont messagères d’une nouvelle destinée des apôtres et disciples qui auraient dû en être les premiers bénéficiaires. Cependant, ce serait oublier que, chez Luc, ces femmes, qui le suivaient depuis la Galilée, furent déjà témoins de son crucifiement, de loin, et de son ensevelissement, de près ; fidèles disciples jusqu’au bout pour s’approcher encore, de grand matin, au plus près de leur Seigneur crucifié, et lui rendre un dernier hommage.

Frederico de MADRAZO, Les trois Marie au sépulcre, 1841 – source : wikimedia.
Du mémorial à l’anamnèse
Mais cet hommage à l’homme d’hier, déchu, devient l’annonce d’un relèvement salvifique. Il est « Le vivant » comme s’il était unique, comme s’il était le premier, comme s’il était ce Dieu vivant (Ps 41,3 ; 83,3). Et ainsi est-il reconnu dans cet acte de mémoire, cette anamnèse qui oblige ainsi à reconnaître aujourd’hui ce Vivant jusque dans le crucifié.
Marie de Magdala, Jeanne, Marie mère de Jacques et bien d’autres femmes étaient venues, ensemble, au tombeau (en grec : mnéma ou mnémiôn), lieu de mémoire d’une vie passée, trépassée. Elles ont trouvé une parole de vie, d’un « outrepassement » de la mort qui les renvoie à leur mémoire (mimnésokomaï – se rappeler) et à la promesse de leur Seigneur :
« Rappelez-vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée : ‘Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite.’ » Alors, elles se rappelèrent ses paroles.
Vers Emmaüs
Cette anamnèse de la passion et l’annonce de sa résurrection viennent répondre au non-sens de la croix, remplir de sens ce tombeau vide et éclairer, à l’aune de ce nouveau jour, cette présence du Fils au milieu des hommes, et l’avenir même des disciples. Ces derniers, dans leur incrédulité, devront encore cheminer jusqu’à Emmaüs (cf. podcast) pour le reconnaître en l’écoute de sa parole ardente et en la fraction du pain.
Bonne fêtes de Pâques à toutes et à tous.

Matthias STOM, Le repas à Emmaüs, v. 1649 – source : wikimedia